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strictement confidentiel ! — Le temps est magnifique comme en août. Une masse de fleurs. Meilleures amitiés à Alice. — La combinaison de Crimée tient plus fort que jamais.

WILLY, Amiral de l’Atlantique.


Tandis que le Kaiser affectait ainsi d’être un ami désintéressé de la Russie, dont le dévouement allait jusqu’à « faire pour elle l’espion, » son attaché militaire à Saint-Pétersbourg faisait à son tour de l’espionnage, mais de l’espionnage à nos dépens. Il fut pincé dans un restaurant de la banlieue, au moment où il régalait des employés de notre état-major et, en échange de billets de banque, leur extorquait des renseignements. Il fut impliqué dans l’affaire d’un certain Ivkoff qui avait vendu aux Japonais nos plans de mobilisation. Par égard pour l’empereur Guillaume, le Tsar voulut qu’on étouffât ce scandale. Mais l’attaché militaire dut quitter Saint-Pétersbourg immédiatement, sous le prétexte d’un congé.

L’Angleterre, de son côté, tout en soutenant le Japon contre nous, songeait à un rapprochement avec la Russie. Les premières ouvertures dans ce sens ont été faites personnellement par le roi Edouard VII dans une conversation qu’il eut, lors de sa visite à la cour de Danemark, avec M. Iswolsky, notre ministre à Copenhague. En parlant de l’entente qui venait d’être conclue entre l’Angleterre et la France sur les questions du Maroc et de l’Egypte, le Roi avait exprimé le désir d’un arrangement avec la Russie sur les questions qui intéressaient les deux pays.

Le ressentiment de Nicolas II contre les Anglais était beaucoup trop fort à cette époque pour qu’une telle proposition eût quelque chance de succès. Aux avances personnelles de Sa Majesté britannique, le Tsar se contenta de répondre en termes évasifs.


Le 18 octobre, jour de la fête patronymique du grand-duc héritier, l’Empereur retint le comte Lamsdorff après le déjeuner et lui dit avoir reçu la veille une longue et intéressante lettre de l’empereur Guillaume, qu’il voulait lui lire personnellement. Les sujets que touchait le Kaiser étaient des plus variés. Il commençait par approuver l’intention de l’Empereur de rappeler l’amiral Alexéïeff et de le remplacer par le général Kouropatkine.