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POÉSIES.



QUATRAINS


Cet automne est si las, si tendre et si farouche
Qu’il m’a semblé le voir
Mourir, la flèche au cœur et le sang à la bouche,
Dans la pourpre du soir.



Lorsque l’ardent soleil pèse sur la vallée,
Je me penche pour boire à la source des bois,
Et le murmure clair de son onde écoulée
Me rend en souvenir la fraîcheur de ta voix.



Je me souviens de soirs errants de ma jeunesse,
Soirs lointains évoqués par cet orgue têtu,
Qui me ressasse, afin que je le reconnaisse,
Un vieil air vagabond où mon cœur a battu.



J’aime que ce beau ciel vous regarde au visage,
Car vous êtes en tout digne de sa clarté
Et je vous vois ainsi qu’un jeune paysage
Où la fleur du printemps annonce un fruit d’été.



Je n’ai plus, pour sentir la beauté d’un beau jour,
Sur l’eau, la verdure ou la pierre,
Besoin de voir en lui la face de l’amour
Qui me sourie en sa lumière.


SONNET


Je sens que c’est ici que je viendrai, quand l’ombre
Aura tissé son voile obscur autour de moi
Et que son dernier fil frémira sous le doigt
De la Parque qui sait nos heures et leur nombre ;

De ma mémoire enfin, que son tumulte encombre,
Je chasserai bien loin le souvenir qui croit,
Dans le cadre à jamais de son miroir étroit,
Conserver tout le ciel étincelant ou sombre.