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mais il y en a une moitié qui est hémièdre à droite, l’autre moitié étant hémièdre à gauche, c’est-à-dire que leurs facettes homologues sont placées en sens inverse. Pasteur recueille à part les hémièdres droits, leur solution dévie à droite, la solution des hémièdres gauche dévie à gauche, le mélange des deux solutions est inactif. A un arrangement moléculaire différent correspondent des propriétés optiques différentes.

Cette première découverte, Pasteur l’a faite comme il fera celles qui illustreront sa vie, en concentrant sa pensée sur le sujet qu’il étudie. Il ne peut admettre que deux corps aient même structure, s’ils diffèrent même par une seule de leurs propriétés : aussi apporte-t-il dans les expériences une attention et un soin extraordinaire qui lui font découvrir les facettes que personne n’avait remarquées avant lui. La méthode et le caractère de Pasteur se dévoilent dans ce travail qui constitue en soi une belle découverte, mais qui paraît bien plus important encore par tout ce que Pasteur en a tiré.


Il a raconté comment de la physique et de la chimie il est passé à l’étude des fermentations. Examinant l’alcool amylique qui est un produit de la fermentation de la fécule, il distingue deux alcools amyliques, l’un doué du pouvoir rotatoire, l’autre inactif ; il se demande alors s’il n’existe pas quelque relation entre le ferment et la structure moléculaire des corps issus de la fermentation. Pasteur n’en resta pas à cette vue spéculative : en 1856, une circonstance imprévue le mit aux prises avec ces fermentations auxquelles il pensait. Un distillateur de Lille, M. Bigo, dont les fermentations allaient mal, lui demande secours. Pasteur se transporte à l’usine de la rue d’Esquermes et examine au microscope du liquide prélevé dans les cuves. Dans celles où la fermentation est satisfaisante, il ne voit que des globules de levure ; dans celles où la fermentation est défectueuse, à côté de la levure s’agitent des bâtonnets minuscules et des corpuscules articulés les uns aux autres. Pasteur n’hésite pas à voir dans ces bâtonnets des êtres vivants tout comme la levure ; ce sont ces intrus qui, par leur action sur le sucre, contrarient celle de la levure légitime. Les cuves envahies par les bâtonnets parasites sont des cuves malades et dès ce moment, par une