Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 12.djvu/902

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

toujours et de manger mal, il s’en va, le paysan de Galice, il émigre, il part pour les Amériques.


Este vaise e aquel vaine
E todos, todos se van
Galicia sin homes quedas
Que te podan travallar[1].


chante avec mélancolie la grande poétesse Santiaguaise Rosalia de Castro. Destin singulier que celui de ce coin de terre où l’étranger jadis venait de si loin et d’où maintenant l’on s’en va si loin, vers l’étranger. Quels rêves, quels désirs, quelles espérances dans l’ailleurs, continuent donc de rouler sur ce pays la grande mer qui le mord si profondément, le vent qui le traverse et tant de brumes errantes ?

L’émigration est-elle la plaie de la Galice ? Peut-elle devenir son salut ? Ceux qui répondent à la seconde question par l’affirmative assurent : « Ce primitif qu’est le paysan galicien revient de ses voyages plus éclairé, plus digne et conscient de lui-même. » Car il revient toujours. Enrichi quelquefois, trop souvent misérable autant qu’au départ, il revient. Il l’aime tant, sa terre rude et trempée, plantée de sombres bois ! Et qu’il en parle joliment, avec ces diminutifs câlins, ces roucoulantes consonnes, qui font si caressante la langue galicienne !


Teño una casiña branca !
……………..
O miña terra… meu llar !…[2]


D’où vient que ces terres mouillées, avec des fougères au bord des chemins, des calvaires en granit sous les bois de chênes, peuvent tenir au cœur si profondément ? Ce même amour si tendre, ce grand besoin de s’en aller une fois, mais de revenir à jamais ne sont-ils pas toute l’âme d’un autre Finistère ? Bretagne et Galice, vieux pays celtiques, vieux pays pareils, — mais dont le plus farouche d’abord, le plus méfiant, le plus hostile à l’étranger est peut-être celui de chez nous.

La courtoisie parfaite dont témoignent là-bas les gens du plus pauvre peuple, je n’en ni nulle part trouvé l’équivalent…

  1. Celui-ci s’en va et celui-là s’en va — Et tous, tous, ils s’en vont — Galice, tu restes sans hommes — Qui te puissent travailler.
  2. J’ai une petite maison blanche… Oh ! mon pays… mon foyer !