manifeste à la France. Je fis plus, j’eus l’insolence d’écrire ce manifeste. Je le présentai à Berryer. Il parut très content : j’admets par politesse. Il ne s’agit pas, croyez-le bien, d’un auteur mécontent, car je poursuis sans me lasser et sans demander qu’on fasse d’Henri V un héros au plumet blanc. Chaque époque a sa nécessité. Nous nous battrons en temps utile, en riant de ce nigaud de Congrès de la Paix. Ce qu’il faut absolument, mais absolument, c’est qu’on sache qu’Henri V est un prince de chair et d’os, ne vivant ni pour l’opium, ni pour le Xérès, ni pour des femmes pires que des filles. Ce qu’il faut, c’est qu’on croie à sa parole royale et chrétienne, qu’on cesse de le peindre comme une pagode indienne, comme vivant dans sa propre divinité. »
S’il faut tout dire, Henri V, là-bas dans son exil, lui semble bien inactif pour un prétendant au trône, et elle s’écrie : : « Mais on prend donc aussi de l’opium à Frohsdorff ! Il n’en restera plus aux Chinois. »
Ici, Mme Hamelin en revient à un sujet qu’elle développait déjà quelque vingt ans plus tôt dans ses lettres au comte de Montbel. A nouveau elle reparle de l’apostolat légitimiste que pourraient exercer ses bons amis les gens de lettres. « Pourquoi ignorer que la littérature bien conduite serait une influence incalculable ? Que fait-on ? On laisse perdre Victor Hugo, lui au fond si parfaitement bon, si aristocrate, même si religieux. Je vous vois tous sauter en l’air. C’est que là-bas vous ne savez rien des choses et des hommes. Oui, oui, Hugo ne cherche que le chemin. S’il s’égare, c’est qu’on n’a pas songé que de tels hommes sont des armées et que les armées ont des éclaireurs.
« J’habite dans le vieux donjon des La Tour d’Auvergne. Après février, la demeure des Hugo, place Royale, fut prise d’assaut, pillée. Les femmes se sauvèrent par les toits et ne voulurent jamais rentrer dans ce quartier volcanique. Je les engageai à voir un beau logement vide où le mobilier moyen âge serait bien placé. Ils y vinrent ; ils sont excellents, charitables, polis et très amusants. Ça m’allait, je les vois beaucoup. Toute la politique, la littérature arrivent là le soir. On y cause à ravir. Je quitte ce docte séjour pour aller à ma petite MadeIaine [1] où je trouve à côté une muse assez sévère, la princesse
- ↑ Habitation de campagne de Mme Hamelin.