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et qui se reflète dans le pur miroir du lac, comme une apparition irréelle et prête à se dissoudre, un fantôme d’une grâce et d’une légèreté divines... Mais ces tas de décombres couchés par terre finissent par s’ordonner, pour peu qu’on essaie de suivre les pas des processions antiques, des « théories, » comme on disait, qui, à date fixe, en grands costumes, sous les palmes et les couronnes d’or, au son des lyres et des flûtes, débarquaient dans le port de la sainte Délos.

Elles remontaient l’avenue que flanquent, à droite, le petit portique, à gauche, le double portique de Philippe V de Macédoine. Et, après avoir franchi le seuil d’un propylée dorique, elles pénétraient dans le sanctuaire d’Apollon Délien. Une place dallée en occupe le centre. Autour, se rangent les temples : l’Artémision, où fut trouvée une Artémis archaïque du VIIe siècle, taillée dans le marbre en forme de xoanon par un artiste de l’École de Chio et consacrée par Méandre de Naxos, — puis le Temple des sept statues, et l’ancien temple d’Apollon, du VIe siècle, en tuf, — le grand temple d’Apollon, édifice dorique du IVe siècle, le sanctuaire des Taureaux, ainsi que l’illustre autel triangulaire, ou autel des Cornes, devant lequel Thésée dansa le « géranos « à son retour de Crète, — les trésors groupés en rond autour du grand temple, comme les Cyclades elles-mêmes autour de Délos, — et les théories atteignaient enfin le portique du roi Antigone, qui servait de clôture au sanctuaire, — puis l’emplacement du bois sacré qui environnait tout cet ensemble, bois d’oliviers, de lauriers, de palmiers aussi, — le palmier, l’arbre consacré à la divinité du lieu et qui devait être répandu à profusion dans toute l’île... Au-dessus, étagée aux flancs du Cynthe, toute une Ville-haute, avec ses petites maisons, souvent précédées d’un péristyle, ses citernes, ses jardinets, ses laraires domestiques creusés dans le mur et peints de couleurs vives... Un peu plus haut, une terrasse, sorte de balcon suspendu, portait le sanctuaire des dieux orientaux. Isis, Sérapis, Anubis y étaient adorés, de même que les dieux Syriens, Astarté, Astargatis, Hadran. Une voie sacrée reliait ce sanctuaire à l’Antre du Dragon, caverne à demi factice, toiturée de lourdes dalles de granit...

Enfin, au sommet du Cynthe, il y avait une esplanade où s’érigeait le temple de Zeus et d’Athéna. De là, on pouvait contempler toute l’Ile apollinienne, et, à travers les voiles brillants