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le ton le plus sérieux pour nous dire : « Ce mouvement a été spontané dans tous les pays et il n’a aucun caractère officiel. » Que les Gouvernements norvégien, suédois, néerlandais, argentin, chilien, suisse, ne se soient pas associés à cette entreprise, nous n’en doutons pas ; mais qu’elle soit le produit d’une génération spontanée, nous n’en croyons rien. Pour nous inspirer confiance en l’impartialité du tribunal, on affecte, il est vrai, de nous dire : « Des fonds assez considérables sont assurés, pour permettre des enquêtes approfondies, et on reçoit journellement de l’argent, surtout d’Amérique. En revanche, les sommes qui seraient versées par un membre des pays vaincus ne seraient pas acceptées. » Nous voilà tout à fait rassurés. Les fonds ne viendront pas directement des vaincus, mais il suffira qu’ils passent momentanément par d’autres mains pour être bien accueillis.

Que font les Alliés pour répondre à cette campagne allemande ? Ils ont été d’accord, en 1919, non seulement pour rédiger, avant la signature du traité de paix, un exposé complet des responsabilités de l’Allemagne, mais pour demander à l’ennemi vaincu une reconnaissance expresse de sa culpabilité. Admettent-ils qu’aujourd’hui quelques personnages des pays neutres s’érigent en juges d’appel ou de cassation, pour effacer l’article 231 du traité ? Allons-nous assister à ce spectacle inattendu, de la formation d’un jury international, dont les membres seraient recrutés par ceux qui sont restés les témoins muets de la guerre, et par ceux qui l’auraient perdue ? Et toutes les nations libres qui sont venues, les unes après les autres, lutter contre la domination allemande sont-elles aujourd’hui d’humeur à se laisser juger par des gens qui, à l’heure du péril, se sont croisé les bras ? La France, certes, n’a rien à redouter des sentences de l’histoire. Mais il serait plaisant qu’à l’instigation de l’Allemagne, l’Entente prît aujourd’hui posture d’accusée devant un aréopage dont les membres condamnent, d’avance, les principes mêmes de la paix. Le piège est un peu grossier.

Il semble malheureusement qu’à Washington et à Londres, beaucoup de nos amis ignorent ce rapide réveil des plus détestables instincts germaniques. Les illusions, l’esprit de chimère, les fumées d’un vague idéalisme obscurcissent encore, devant ses observateurs lointains ou distraits, des réalités qui ne tarderont pas à devenir dangereuses. A Washington, après les grandes séances oratoires, les Commissions se sont mises au travail, et aussitôt s’est cruellement révélé l’effroyable vide de tout ce qui s’était fait jusque là Les discours avaient été excellents, les résultats nuls. Une fois encore, les