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sa résistance fut longue, et se traduisit quelquefois par des actes violents : emprisonnements, expulsions. Mais lorsque le chef du mouvement nationaliste eut rompu avec Constantinople, il sentit le besoin de s’appuyer sur quelque chose : à partir de ce moment, l’évolution devint rapide. L’aide offerte par le gouvernement de Moscou fut acceptée, les ministres d’Angora prirent officiellement le titre de commissaires du Peuple ; le vendredi, quand la musique militaire jouait l’Internationale sur la grand’place, les Turcs assis dans les cafés se levaient et les officiers faisaient le geste du salut.

Le 16 mars 1921, était signé à Moscou le traité formel d’alliance, qui couronnait les longs efforts de la diplomatie bolchéviste en Anatolie. Le gouvernement de la Grande Assemblée nationale de Turquie et la République fédérative et socialiste des Soviets russes décidaient la conclusion d’un accord, destiné à assurer entre les deux pays des relations amicales et fraternelles. Les parties contractantes s’engageaient mutuellement à ne pas reconnaître les conventions internationales qui leur seraient imposées contre leur volonté. La Russie reconnaissait l’intégrité du territoire turc, dans les limites définies par le Pacte national du 28 janvier 1920. La Turquie cédait à la Géorgie, devenue bolchéviste, la ville et le port de Batoum. La Russie déclarait nuls et non avenus le régime des capitulations et les obligations qui en résultent. Les deux parties convenaient d’ouvrir les Détroits à la navigation de toutes les nations et de confier l’élaboration d’un règlement international sur cette matière à une conférence composée des délégués des Etats riverains. Le gouvernement des Soviets déclarait la Turquie libérée de tous les engagements financiers et de toutes les conventions conclues avec l’ex-gouvernement des Tsars. Les parties contractantes s’engageaient à ne pas tolérer sur leurs territoires respectifs le séjour d’organisations constituées en vue de s’arroger un droit de gouvernement sur le pays d’origine de ses membres ou de lutter contre ce pays. Elles convenaient enfin de compléter au plus tôt ce traité par des accords consulaires, économiques et financiers.

On voit de quel esprit s’étaient inspirés les négociateurs : c’est contre l’Europe occidentale, ses privilèges et ses contrôles qu’étaient évidemment dirigées les stipulations les plus importantes de la convention turco-bolchéviste. Il est assez piquant