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fait allusion, — du règlement général des difficultés pendantes entre la France et la Grande-Bretagne, notamment de la question turque, de celle de Tanger. Il est évident que les deux pays ont intérêt à régler de telles difficultés d’un commun accord, pourvu que les concessions soient réciproques. Les Conseils suprêmes nous ont donné trop d’exemples d’accords dont la France faisait tous les frais. L’opinion publique, inquiète, lasse de toujours céder sans recueillir jamais « la substantifique moelle », s’est demandé si, une fois de plus, nous n’allions pas payer de concessions très importantes un accord nouveau et d’ailleurs illusoire. Le pays, et, avec lui, le Parlement, ont eu l’impression d’un marchandage dont nous serions les mauvais marchands. On eut le sentiment, que donne très nettement la lecture de l’aide-mémoire, que nous allions payer très cher une garantie que l’Angleterre nous doit.

Car on oublie trop dans quelles conditions est née cette idée de garantie ; elle est une compensation due à la France pour sa renonciation aux garanties qu’elle demandait sur le Rhin ; pour adoucir l’âpreté de leur refus, l’Angleterre et les États-Unis offrirent en échange à M. Clemenceau le pacte « d’assistance, » annexé au Traité de Versailles, que la carence des Américains a rendu caduc [1]. L’Angleterre a loyalement compris et reconnu qu’elle avait une dette à notre égard ; au moment où l’on a cru, en France, qu’elle se disposait à la payer, elle nous a donné l’impression douloureuse qu’elle cherchait à en faire un objet d’échange, de compensation. C’est alors que l’opinion et le Parlement ont eu le sentiment très net que M. Briand s’était trop et trop vite engagé et l’ont averti que, mis au pied du mur, il ne devait pas céder.

Le 11 c’est la rentrée des Chambres. L’inquiétude est générale : on redoute des concessions nouvelles de la part de M. Briand ; l’opinion s’alarme des projets, qu’elle juge chimériques, de reconstruction européenne, de l’invitation adressée aux Allemands et au Gouvernement des Soviets. Les discours des deux Présidents, qui recommandent la fermeté, sont énergiquement applaudis. A la Chambre, M. Klotz demande à interpeller « sur les contradictions qui existent entre les récentes déclarations de M. Briand et l’attitude du Gouvernement français à Cannes. » La commission des finances, par 23 voix contre 2,

  1. « Quand le Traité de paix fut signé, écrit le Daily Mail du 13, le peuple français avait reçu la promesse d’une alliance avec la Grande-Bretagne et les Etats-Unis comme garantie de la sécurité future de la France, à condition qu’elle renonçât à quelques-unes de ses demandes. Elle renonça donc à ces demandes et vit s’évanouir l’alliance. Il est de toute justice de rappeler ces faits... »