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parterre. La façade de fracs brodés qui signale à tous les regards la tribune diplomatique est devenue singulièrement plus large. L’ambassadeur d’Espagne est toujours là. Ce qui s’appelle encore Autriche n’est plus représenté que par un ministre. La Bavière continue d’attester, par une représentation spéciale auprès du Pape, que ses traditions et ses intérêts d’État catholique peuvent l’induire, en certaines heures, à tenir au chef de l’Eglise des propos que le reste du Reich n’a pas besoin de connaître ; il est bon pour le catholicisme germanique, comme à d’autres égards il est bon pour la France, que cette légation continue de symboliser et d’affirmer le demi-désir qu’ont les Bavarois de demeurer, dans le Corpus germanicum, des autonomes, des distincts.

Mais le Reich, habile, atténue l’éclat de ce poste en transformant le ministre de Prusse en un ambassadeur d’Allemagne ; et cette modification diplomatique est le fruit de la défaite allemande, en même temps qu’elle en est le signe. Les théoriciens politiques qui systématiquement identifiaient protestantisme et germanisme se montrèrent toujours inquiets et choqués, en apercevant à Rome ce ministre de Prusse qui, par sa seule présence, disaient-ils, semblait sanctionner toutes les prétentions du Pape, tant au temporel qu’au spirituel ; la création d’une ambassade même du Reich, coïncidant avec l’installation de certains catholiques dans les plus hautes fonctions de l’Empire, atteste que le Reich issu de la guerre ne peut plus affecter l’allure sourdement ou bruyamment confessionnelle du Reich qui déchaîna la guerre ; étant laïque, et non plus « évangélique, » il fait taire, désormais, les vieux canonistes et juristes luthériens qui voudraient subordonner la politique allemande au point de vue de leur Église. Il les a si bien fait taire que, sur sa demande même, Berlin maintenant va posséder un nonce. J’ai quelque plaisir à relire la brochure que publiait il y a bientôt un quart de siècle un professeur de la faculté de théologie protestante de Marbourg, M. Garl Mirbt, sous ce titre : La légation prussienne à la cour du Pape [1]. Son exclusivisme religieux s’élevait contre cette modeste institution, et finissait par se consoler, en observant que l’absence d’un nonce à Berlin perpétuait l’humiliation de la Curie. Et Berlin, claironnait M. Mirbt, persistera, on peut l’espérer, à refuser un nonce du pape : « les

  1. Die preussische Gesandschaft am Hof des Papstes. (Leipzig, Braun, 1899.)