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les ressources lui manquent. Le problème en effet n’est pas simplement d’expédier 200 000 hommes dans la Dobroudja : c’est de constituer ces 200 000 hommes en corps d’armée, avec les officiers, les chevaux, l’artillerie et tous les services accessoires. Cela représenterait cinq corps d’armée ; nous ne les avons pas en réserve ; il faudrait donc les prélever sur le front. Et vous savez qu’il n’y a pas un point de notre ligne où l’on ne se batte actuellement. Le général Alexéïew poursuit ses opérations avec d’autant plus de vigueur que la mauvaise saison approche. Je doute donc qu’il accepte de proposer à Sa Majesté l’envoi d’une armée au Sud du Danube. Réfléchissez d’ailleurs au temps qu’il faudrait pour organiser et transporter cette armée. Six semaines, au moins !... Ne serait-ce pas une lourde faute de neutraliser ainsi 200 000 hommes pendant un si long temps ?...

— Et l’Empereur ?... Lui en avez-vous parlé ?

— L’Empereur approuve tout à fait le général Alexéïew.

— La question est assez grave pour mériter un nouvel examen. Je vous prie donc d’insister auprès de Sa Majesté en Lui faisant connaître mes arguments.

— Je rendrai compte aujourd’hui même de notre conversation à Sa Majesté.



Samedi, 9 septembre.

Un financier russe, d’origine danoise, qui est en rapports suivis avec la Suède et qui, par cette voie, est toujours bien renseigné sur l’opinion allemande, me dit :

— Depuis quelques semaines, l’Allemagne traverse une crise générale de lassitude et d’appréhension. Personne ne croit plus à la victoire foudroyante qui donnera la paix triomphale. Seuls, les outranciers du pangermanisme affectent d’y croire encore. La résistance insurmontable des Français à Verdun et l’avance des Russes en Galicie ont causé une déception profonde, qui ne s’atténue pas. On commence aussi à répéter que la guerre sous-marine est une erreur et une sottise, qu’elle n’empêche nullement la France et l’Angleterre de se ravitailler, qu’elle expose les Puissances germaniques à voir les États-Unis se déclarer bientôt contre elles, etc.. Enfin le malaise économique augmente et les émeutes, causées par les restrictions