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jalouse hostilité et, si l’on parvenait à grouper ces mécontents, nul doute que la cause du roi ne trouvât en eux des champions résolus ». Tel était le thème de la missive de Perlet à François Fauche. Celui-ci, dont le commerce, plein d’intermittences, était peu prospère, gagné, d’ailleurs, par l’exemple de son frère aux faciles et profitables besognes de la pêche en eau trouble qu’était la politique de l’émigration, aperçut tout le parti que l’on pourrait tirer d’un homme tel que Perlet, bien renseigné, connaissant à fond les gens et les choses de la révolution, et tout disposé, d’ailleurs, par sa haine contre Bonaparte, qui négligeait de l’employer, et par ses rancunes contre les jacobins, qui l’avaient proscrit, à servir les Bourbons auxquels, de notoriété publique, il s’était montré fidèle, même aux plus mauvais jours du Directoire. Un tel homme serait un correspondant précieux et dont ni la sincérité, ni l’attachement ne pouvaient être suspectés. François Fauche répondit donc à Perlet par une lettre très affectueuse, l’invitant à « ouvrir son cœur » et l’assurant que tout ce qu’il pourrait écrire concernant l’état de l’opinion en France serait très utile à la cause royale. Perlet « ouvrit son cœur » et se livra tout entier : — « Les choses, dit-il, étaient beaucoup plus avancées qu’il ne l’avait annoncé dans sa première lettre : il existait à Paris un Comité secret, composé de très hautes personnalités et formé dans le but de renverser Bonaparte à la première occasion favorable. Au nombre des membres influents de ce Comité, comptaient des maréchaux et des ministres, partisans résolus de la légitimité ; l’ami auquel il avait fait allusion en était l’un des plus influents ; la police elle-même y était représentée de façon éminente, et cela expliquait le mystère, jusqu’à présent impénétrable, dont bénéficiait cette association aussi puissante que ténébreuse. »

Exultant au reçu de cette stupéfiante révélation, François Fauche ne crut pas pouvoir garder pour lui une communication de cette importance. Il la soumit à M. le comte de Moustier, représentant de Louis XVIII à Berlin ; Moustier, non moins surpris et non moins ravi, expédia aussitôt la lettre de Perlet au Roi son maître, fixé, depuis six ans, à Mitau, en Courlande, où il était l’hôte du czar Alexandre. En attendant l’approbation du Prétendant, il fallait « battre le fer » et entretenir activement cette correspondance : mais il convenait d’agir avec une prudence extrême, de crainte de compromettre l’héroïque