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trous, sans rien découvrir. » « Il est vrai, notait ce fonctionnaire, que, sous le nom d’Ile Chausey sont désignés cinquante-deux îlots... ce qui rend les recherches très longues et très difficiles. » Les canots employés à ce service étaient eux-mêmes machinés en prévision d’une visite : l’un d’eux, la Jungfrau Elisabeth, comportait des caches pratiquées pour y placer la correspondance, « tellement qu’il eût fallu le mettre en pièces pour la découvrir. » — « On dissimulait quelquefois les papiers jusque dans les avirons percés et préparés pour cet objet. » C’est par de tels moyens que passèrent de France en Angleterre la plupart des lettres dont se composent en partie les quatre-vingts volumes du Fonds Bourbon conservé au ministère des Affaires étrangères. Sans doute la correspondance de Perlet et de Fauche voyagea, elle aussi, par la « boite de fer ; » voilà qui explique les lenteurs de la transmission et les longs intervalles entre les successives répliques de cette conversation épistolaire.

Le nombre est grand des ecclésiastiques enrôlés dans la « Correspondance ; » pour se borner à ceux de ces intermédiaires avec lesquels Fauche-Borel fut en relations, on rappellera ici deux noms déjà mentionnés dans ce récit : celui de l’abbé Ratel qui, agent de Brotier, sut disparaître à temps pour échapper à la déportation, et celui de l’abbé Leclerc, dit Boisvalon, « l’homme à l’œil vairon, » type accompli du conspirateur obstiné, actif, adroit, discret, entreprenant, et, — par singularité, — désintéressé. On l’a vu, tour à tour, pendant la Terreur, errant dans les bois voisins de Paris, s’improvisant homme de loi pour mieux se déguiser, puis vivant caché rue du Pot-de-fer où Fauche le trouva « si bien instruit de tout ce qui se passait en France » qu’il en conçut quelque soupçon et s’inquiéta, à sa sortie du Temple, de le rencontrer à Munster en Westphalie, guettant les passants.

Ratel, depuis le début du Consulat, s’est fixé aux environs de Boulogne-sur-Mer, dans le château d’une dame de Combremont. Il y commande en maître, ne se cache pas, mène en apparence l’existence oisive et a même installé chez sa complaisante hôtesse une Parisienne, Mlle Sper, royaliste ardente, qui passe pour être sa maîtresse et que les paysans d’alentour surnomment Belle-Peau, à cause de son frais visage. De ce confortable asile, Ratel dirige une immense correspondance : l’Angleterre fournit les fonds, sans marchander.