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Les étudiants, d’ailleurs, ne seraient pas Américains, s’ils ne cherchaient à utiliser leur excès de vitalité. Ils sont rares ceux qui ne se créent pas « an extra-curriculum activity, » — un intérêt en dehors des programmes. Les jeux n’absorbent qu’une partie de leur peu commune énergie. De nombreuses occupations les sollicitent. Et d’abord le journalisme. Tocqueville, — et c’est une de ses remarques les plus profondes, — a dit qu’il existe une relation entre le développement extraordinaire de la presse aux Etats-Unis et ce goût général de l’association. Je trouve ici une preuve indirecte de cette vérité. Dès que le jeune Américain entre à l’Université et qu’il songe à faire œuvre sociale, son rêve, s’il a les aptitudes nécessaires, est de se glisser dans le comité de rédaction de l’une des publications imprimées à Yale : le Yale Record, le Yale Graphic, l’Alumni Weekly, le Yale Daily News, le Yale Law Journal. N’oublions pas le Yale Literary Magazine, qui s’enorgueillit d’avoir été fondé en 1836, et d’être non seulement le premier périodique dirigé par des étudiants, mais aussi la première revue littéraire qui n’ait jamais cessé de paraître depuis sa création. Ce dernier trait montre avec quel sérieux ces jeunes gens se donnent à la tâche qu’ils s’imposent. Après sont les compétitions pour faire partie d’un comité de rédaction. Des épreuves sévères, — reportage réel, articles, interviews, — se prolongent pendant les premières semaines de la rentrée. Celui qui est admis comme rédacteur, comme caricaturiste, comme directeur de la publicité, a donc conquis sa place par sa seule habileté.

D’autres sont attirés vers la musique ou vers le théâtre. Il existe un club dramatique qui donne des représentations fort suivies. On y joue des pièces anglaises et même des pièces françaises. Les rôles de femmes y sont tenus par des hommes. Cela nuit parfois à l’illusion, mais on s’en console en pensant que du temps de Shakspeare les choses ne se passaient pas autrement.

La Société musicale ou « Glee and Banjo Club » a une notoriété presque aussi grande que le team de football. Aux occasions solennelles, l’une ne va pas sans l’autre. La veille du grand match, un premier tournoi a eu lieu entre les Glee Clubs de Yale et de Princeton, les deux Universités rivalisant d’excellence et de variété dans les chants et les airs de mandoline ou de banjo au programme du concert. Il arrive que le Glee Club entreprenne un voyage à travers l’Amérique. Il obtient alors sans