soupçonne de manquer à ma religion ? Toute religion nous commande de nous modeler sur les personnes célestes, et celles d’ici sont les meilleures que j’aie vues.
— Laissez, petit chrétien ! lui répondait-elle en riant. Ma maîtresse serait contente que vous eussiez quitté votre religion pour elle, et vous en ferait changer trente-six fois pour s’assurer de sa force.
— Ses actes sont donc calculés ?
— Tu vois comment elle a su prouver à l’Émir que les chants qu’elle lui offre sont plus puissants que les divertissements chrétiens. C’est décisif qu’après l’avoir entendue tu ne désires plus retourner à ce que la veille tu préférais à tout.
« Ah ! pensa le jeune homme avec tristesse, elle est habile. »
Isabelle regardait avec autant d’étonnement que d’amitié les yeux de feu de ce jeune étranger, car elle n’avait pas jusqu’alors l’idée que l’on pût voir dans une femme un être surnaturel.
— Ne pourrai-je pas un jour causer avec cette divinité ? lui disait-il.
— Si fait, petit chrétien, mais en attendant, je te peins à elle avec les plus jolies couleurs, et sache qu’elle m’écoute avec curiosité, car le poète l’a dit : « La cage a beau être couverte de peintures et d’ornements, l’oiseau cherche des yeux une ouverture ! »
Il en revenait toujours à son désir de l’approcher et de l’entendre.
— Ne sois pas malheureux, lui répondait la jeune incendiaire. Cela viendra quelque jour. Tu nous verras, le soir, à l’heure des jardins, quand nous sommes toutes assises autour d’elle et tu diras avec le poète : « Est-ce de la poussière de musc semée autour d’une pelouse, ou sont-ce des violettes répandues au pied d’une rose ? » Quand cela sera ? Eh ! laisse-toi conduire. Elle agit comme les péris par des mouvements gracieux et sans violence, et rien ne résiste à sa magie.
Peu de temps après, l’Émir chargea Guillaume d’un service qui l’obligeait à le rejoindre dans les kiosques et à traverser fréquemment les jardins.
Isabelle s’arrangea un jour pour qu’il y passât au moment où tout le harem s’y tenait. C’était aux heures douces du soir, sous le verger, une fête d’Asie. Le jardin de fleurs était devenu un paradis de filles. Toutes ces dames musulmanes, vêtues de