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Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 8.djvu/500

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REVUE DES DEUX MONDES.

étrangement gais. Guillaume voyait les gouttes de sueur qui perlaient sur ces jeunes visages d’Orient, et comme pour comprendre ces gazouillements d’oiseaux, il était obligé, si bien qu’il sût le langage sarrasinois, de surveiller de près le mouvement de leurs lèvres, il apercevait cette vivante humidité des jeunes bouches qui atteste aussi bien que le feu des prunelles que des beautés ne sont pas tout aériennes. Cette ardeur de l’âme qui se trahit dans leurs regards est leur qualité propre comme le parfum des fleurs, le chant des oiseaux et la rosée des matins d’automne. Il voyait tout cela aussi clairement qu’à leurs ceintures les nœuds de diamant, à leurs doigts les bagues et à leurs chevilles les pesants anneaux d’or. Mais il ne faisait attention qu’au bel œil étincelant de la Sarrasine et à cet air libre et guerrier qui la mettait au-dessus de toutes. Une immense joie le pénétrait à la pensée qu’elle n’avait pas refusé que l’ombre d’un humble étranger fût cousue à son écharpe de déesse.

Quand il fut parti, toutes commencèrent à le louer. Zobéide, qui était la plus joyeuse, dit en riant :

— Puisse-t-il être, madame, comme l’oiseau Homay qui assure une fortune éclatante à celle sur qui s’arrête son ombre !

— Bah ! dit la grosse Badoura, fortune ou infortune, que je voudrais donc me réfugier sous l’ombre de ce bel oiseau !

Et toutes commencèrent à vouloir que la savante leur dit ses secrets. Mais elle se tourna vers la sultane :

— Vous ne dites rien, madame.

Elles n’en purent tirer que ceci :

— Il est de bonne mine, et je suis bien aise que notre Seigneur se soit assuré un gage de cette valeur.

Isabelle rapporta à Guillaume ces propos (en taisant toutefois cette idée de gage), et dans sa joie il entama, comme une suite de strophes, l’éloge de toutes ces dames.

— Oui, dit la Sagesse, en l’embrassant, chacune d’elles ferait une belle plume au chapeau d’un petit chrétien. Mais tu sais ce que dit le proverbe ? « Bien que dans le corps de l’oiseau, il n’y ait pas une plume sans emploi, pourtant la plume de l’aile a la plus grande utilité. » C’est Oriante qui nous porte au ciel.

— Mais pourquoi donc, songea tout haut Guillaume, semblait-elle rire tout le temps ?

— Elle est contente de ton admiration, comme elle le serait