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Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 8.djvu/517

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UN JARDIN SUR L’ORONTE.

À ce moment on frappa à la porte. C’était un homme de sire Guillaume. Guillaume, poursuivant de point en point son programme, faisait donner à la Sarrasine l’ordre de sortir sur 1 heure, du côté de Damas.

Lui-même, pour qu’elle ait le temps de s’éloigner, il prolonge encore d’une heure la résistance, et soudain par la route même qu’il lui a indiquée, il se glisse hors de la forteresse et se met à sa poursuite.

Un seul domestique l’accompagne. Anxieux de retrouver sa maîtresse, Isabelle et leur petite suite, il marche en hâte dans la nuit vers le lieu fixé au troisième gué de l’Orante.

Il n’y trouve que l’eau qui bat les rochers, et l’effroyable silence du désert.

Personne ! Que faire ? Rentrer dans Qalaat, au milieu des envahisseurs ? Oui, certes, si Oriante a été arrêtée dans sa fuite et retenue dans la forteresse. Mais peut-être en ce moment court-elle vers Damas, poussée par l’épouvante et préférant le risque d’une rencontre de hasard au risque d’une poursuite. Peut-être aussi s’est-elle égarée, et d’un instant à l’autre elle va rallier le point de rendez-vous… Il crut devenir fou, et ne retrouva ses sens que pour s’accuser d’avoir perdu par son imprévoyance celle qui se fiait à lui et que des pressentiments avaient paru avertir. Il sentit le danger passer sur sa maîtresse, comme il eût senti le regard d’un des vainqueurs se poser sur son visage nu de captive.

Un clair de lune enchanteur se leva sur les sables. Il attendit durant des heures mortelles qu’elle parût de minute en minute. Vers l’aube enfin, il fallut prendre un parti.

« Souvenir de ma mère, dit-il, inspirez-moi mon droit chemin. Où trouverai-je la vérité ? »

Il pensa qu’il devait aller sur Damas, et ne voulut pas douter qu’il y rejoindrait son amie qui, sûrement, l’y avait précédé.

Maurice Barrès.
(La dernière partie au prochain numéro).