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Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 8.djvu/524

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De là découle une seconde idée ; à l’ancienne théorie « qu’il faut vivre sur le pays, » le commandant Laperrine substituera la théorie nouvelle qu’il faut vivre dans le pays. La première théorie était née d’une décision désinvolte d’un sous-intendant qui s’était montré fort empressé à fuir ces régions où il jugeait qu’il était si simple de vivre, mais, sans doute « pour les autres. » Or, les habitants de ces contrées tiraient leurs seules ressources de celles que leur fournissaient nos soldats ; la viande dont ils se nourrissaient était prélevée sur les cadavres des chameaux que nos colonnes abandonnaient ; de céréales, la pénurie était telle que les Gouraris venaient recueillir l’orge non mâchée et non digérée dans le crottin de nos chevaux.

Voici de quelle façon le commandant appliqua la seconde théorie. Ces nomades, il les invita à vivre exactement comme ils vivaient dans leurs tribus, en familles. Rien des troupes régulières, rien même des smalas des premiers spahis algériens. Le Saharien reste son maître, et, en dehors du service, l’autorité n’intervient jamais dans ses affaires. Il n’a rien à regretter, rien à envier. D’ailleurs, s’il est entré à la compagnie volontairement, il lui est loisible, au cas où telle serait sa fantaisie, d’en sortir.

Car cette compagnie où il est enrôlé comme fantassin de 3e classe, il n’y est que commissionné. Si le cœur lui en dit, s’il est repris de cette éternelle agitation qui caractérise les nomades, le bled lui est ouvert, à cet irrégulier qui n’aime pas les engagements à long terme, les échéances fixes et rigoureuses, qui éprouve pour eux « autant de répugnance que pour coucher sous un toit entre quatre murs ; il se sent en prison. » Mais, réciproquement, « s’il apparaît incapable ou indésireux de s’adapter à la discipline, s’il ne donne pas satisfaction, il se peut qu’il soit licencié du jour au lendemain. » Ce licenciement sans formalité ni délai est préférable à l’accumulation des punitions qui pourraient conduire notre Saharien à Biribi. Il laisse toute liberté à l’autorité militaire et au soldat commissionné. Par ce procédé qui, peut-être, traduit l’idée la plus ingénieuse de l’organisation des compagnies sahariennes, le personnel, en très peu de temps, fut un personnel « de choix, » parmi lequel « les cas d’indiscipline étaient extrêmement rares. »

La vie qu’on offre au Saharien est séduisante. Sa conduite,