du Menez et de Loc-Ronan, de courbe si ample, où la terre semble, en montant, perdre sa densité. Voilà les hauts lieux de la Cornouaille, ses autels naturels, consacrés, où l’on va prier. Des souffles célestes y flottent, qui s’épandent, règnent sur tout le demi-cercle de campagnes, sur tout le pays concave par où se prolonge le creux du grand golfe. Un air libre et vierge, qui semble ne faire qu’un avec le bleu vaporeux de cette mer intérieure, avec l’infini léger des lointains, — avec l’imperceptible, innombrable rumeur venue d’en bas, de cette succession de grèves ignorées, qui s’allongent et dorment si paisiblement dans la lumière. On dirait qu’elles attendent encore les premiers pas des hommes, ces blanches plages entrevues à travers de belles théories de pins, — des pins qui s’espacent, se dessinent comme ceux des vieux tableaux de sainteté. Sur ces tables immaculées (l’une d’elles mesure une lieue, et son sable toujours lavé est si ferme qu’une voiture, dit-on, y laisse à peine sa trace), les vagues propagées de l’Océan à travers le golfe viennent finir en longues lignes parallèles, spacieuses, de neige mouvante et bruissante. C’est un rythme visible : quelque chose comme la vibration très lente, toujours répétée, de grandes cordes ; une solennelle basse, accompagnant les muettes musiques de ce paysage. Il n’en est pas dont toutes les parties semblent mieux se répondre et chanter. Un chant universel de paix et de louange. Je n’ai connu des harmonies de même sens que sous un ciel bien différent, en Phénicie, du côté de Ghazir, dans le blême Liban qui, par là, ondule, se module, comme le son de ses cloches, par-dessus le mol argent des oliviers, et la courbe d’un beau golfe. Ici, c’est le Nord, — et l’Occident ; c’est l’Océan prochain. Tout reste grave et menacé, tout peut soudain s’assombrir. Mais la religion habite aussi ces lieux. Elle y a seulement ses nuances d’Europe et d’ancienne Bretagne. Sa douceur s’y fait tendresse et s’y teinte d’austérité.
On en découvre partout les signes. Groix et calvaires à tous les carrefours, où la naïve, douloureuse figure du Crucifié est seule, à côté des ajoncs, sous le doux soleil ou la pluie qui la ronge... Obscurs oratoires, au plus caché du pays ; chapelles paysannes, chapelles closes, qui ne sortent de leur sommeil qu’au jour du Pardon... Et quand s’ouvre l’espace, çà et là, derrière une montée de landes, un lointain clocher (rien qu’une flèche, et si mince !) veillant quelque invisible village... Et, dans