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Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 8.djvu/891

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— Oui, fit Perlet, il fallait à Veyrat des pièces ainsi conçues.

Il luttait pied à pied, mais, à chaque réplique, il perdait du terrain ; certaines de ses réponses avaient été accueillies déjà par des rumeurs de l’assistance que disposaient mal la mine sournoise et pateline du mouchard et son obstination dans l’invraisemblance. Du reste, ce déballage des malpropretés administratives, cette pénétration dans les coulisses de la rue de Jérusalem, tenaient l’auditoire attentif comme à la représentation d’un de ces drames dont les péripéties renouvellent par mille incidents l’intérêt : on sentait que l’un des deux hommes qui se trouvaient là en présence sortirait du prétoire sous les malédictions et les huées, à jamais déshonoré, et l’on frémissait de la profondeur, plutôt devinée qu’aperçue, des abîmes de fourberie et de mensonge que découvraient par instants les interpellations du Président et les réponses des deux plaignants.

Le substitut du Procureur du Roi prend la parole : il insiste sur ce fait que Perlet est entré à Sainte-Pélagie le 21 mars 1807, la veille même du jour où Vitel débarquait à Paris ; s’adressant à Perlet : « Si, dit-il, vous étiez réellement prisonnier pour dettes ; si vous étiez, comme vous le prétendiez et le prétendez encore, fidèle agent du Roi ; s’il existait, ainsi que vous l’assurez, un puissant Comité royal, vous auriez sans doute trouvé, par l’influence de ceux qui le composaient avec vous, le moyen de sortir de prison, ou même de n’y pas entrer. » Perlet soutient son imposture : — « Il est très vrai que j’avais des relations avec des personnages du plus haut parage ; mais je ne leur ai jamais rien demandé, par crainte de les compromettre. » Le président se tourne vers Fauche-Borel : — « Avez-vous la preuve que le Comité royal n’existait pas ? — J’ai la preuve, répond celui-ci, avec un ricanement d’indignation, j’ai la preuve qu’il était composé de Buonaparte, de Fouché, de Veyrat, de Dubois et consorts !... » Mais Perlet s’obstine : ainsi qu’il l’a fait déjà dans son Exposé, il proteste que, depuis l’origine de la Révolution, il s’est montré inébranlable dans son dévouement pour le Roi : — « C’est pour le Roi que je me suis ruiné en faisant d’énormes dépenses nécessitées par le Comité et en gorgeant d’or sans cesse le cupide et insatiable Veyrat. » Me Berryer intervient : — « Je demanderai à M. Perlet, maintenant que c’est un titre d’honneur d’avoir servi la cause royale, de nous