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Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 8.djvu/94

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peuple, il fallait que le peuple, maître désormais de ses destinées, trouvât un autre organe : cet organe fut le concile du 15 août 1917, où siégèrent, à côté de 80 évêques et de 200 prêtres, 300 laïcs. Le ministre des Cultes, en ouvrant le concile, proclama que l’Etat n’exercerait plus qu’un contrôle extérieur sur la légalité des actes de l’Eglise et que, sous cette réserve, l’Eglise était libre ; et bientôt retentirent, après deux siècles de silence, les acclamations Axios, Axios ! « Il en est digne, » qui invitaient l’archevêque Tykhôn à prendre possession de la dignité de patriarche, enfin rétablie.

Quelques mois avaient suffi pour que, sur l’horizon du Vatican, le problème russe apparût transformé. Il s’agissait, jusque-là, pour la papauté, d’écarter ou de tourner, par sa diplomatie, les barrières dont se hérissait l’Empire russe dès que la foi romaine frappait aux portes : le régime qui succédait immédiatement au Tsarisme, par la proclamation de la liberté des cultes, ouvrait l’ancien Empire des Tsars à l’apostolat de cette foi, et l’on affirme que le Gouvernement des Soviets a fait savoir aux membres d’une grande congrégation catholique qu’ils ont l’entrée libre en Russie. Rome, jusque-là, chaque fois qu’elle avait voulu aborder l’âme russe, s’était heurtée à trois idées qui n’en faisaient qu’une et dont la solidarité semblait avoir je ne sais quoi d’imbrisable : orthodoxie, autocratie, nationalité ; ce bloc avait commencé de se disjoindre. Déjà, la spiritualité de l’Orient avait ébauché un geste d’affranchissement à l’endroit de l’Etat, lorsqu’en 1868 et 1914 la hiérarchie orthodoxe, dans le royaume de Grèce, avait osé contester, comme anticanoniques, les droits auxquels le pouvoir royal prétendait sur l’Eglise. Mais tant que s’exhibait, sur une imposante altitude, l’exemple du Tsarisme, ces idées de liberté spirituelle demeuraient vouées à une destinée très précaire. L’effondrement de cette souveraineté a porté à la conception et à la pratique du césaropapisme un terrible coup, dont l’ébranlement peut se faire sentir dans les autres chrétientés de l’Orient.

Il y eut une époque où Rome pouvait se flatter, si d’aventure elle parvenait à gagner l’âme d’un Tsar, de voir le peuple, ensuite, reprendre le chemin de l’unité romaine : cette trop facile bonne fortune, qui d’ailleurs eût laissé quelque inquiétude aux consciences profondément apostoliques, lui fut toujours refusée. Les élans de charité de Benoit XV, ses démarches près