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s’abritent sous les plans de l’appareil retourné : il est environ midi ; l’espace flambe ; la température atteint 43 degrés. « Mes enfants, dit le général, nous allons essayer de manger, puis nous nous reposerons jusqu’à demain matin, et ensuite, nous aviserons. » Les « enfants, » confiants dans le général parce qu’ils savent qu’il connaît bien la région, font honneur au gigot de gazelle ; lui, mange très peu ; puis ils ferment les yeux, s’efforçant de dormir ; lui, médite : où a-t-il atterri ? Il écrit quelques mots sur son carnet de route, une note parmi treize autres. « Le Commandant avait l’air sûr de sa direction... On a capoté. Pilote rien. Mécanicien contusion jambe ; moi, — il pense à lui en dernier, — forte contusion épaule gauche, genou droit, et compression poitrine. » C’est dans l’après-midi, après que l’adjudant l’a massé, quand il a voulu se lever, qu’il a commencé à sentir des douleurs dans la poitrine, du côté gauche, et au genou droit. Il décide que, pour ce soir-là, ils coucheront à l’appareil ; le sable commence à être frais ; ils se dévêtent ; ils dorment, — dorment-ils ? — sous la « luminosité captivante » des étoiles.

Le 19, avant même qu’il fasse jour, le général décide qu’ils vont partir, pèlerins confiants, vers le Nord-Ouest : ils apercevront bientôt les montagnes de l’Adrar. L’adjudant et le mécanicien rassemblent tout ce qui leur sera nécessaire. Bientôt les voilà chargés à en plier sous le faix : dix boîtes de viande de trois cents grammes, vingt biscuits de guerre, une boite de Phoscao, une de lait condensé, du sucre en poudre, dix bidons d’eau qui contiennent en tout vingt litres ; Bernard n’oublie pas son demi-litre d’arquebuse pour parer à une défaillance du général, dont les narines sont pincées, les traits tirés ; enfin, ils portent une couverture et une toile de tente. Pour toute arme, un mousqueton de cavalerie. Le général est muni de son porte-cartes, de sa jumelle, de sa boussole.

Le jour point. Ils se mettent en route ; le général se raidit ; sa jambe droite pèse et décèle sa souffrance. Pourtant, ils marchent cinq heures sous le soleil implacable. Mais il faut faire halte dans un fond d’Oued. A l’ombre de la tente, dont les rayons ardents se jouent, ils se reposent et se restaurent. Mais ils conviennent, — égaux dans la détresse, — qu’ils ne boiront pas plus d’un litre d’eau chacun en vingt-quatre heures. Le palais s’assèche, la langue devient râpeuse, la gorge brûle.