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Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 9.djvu/130

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ira se ravitailler à In-Gall avant de reprendre les recherches. Il va, suivant ses guides, qui trottent à cinquante mètres devant lui. « Soudain, nous aperçûmes dans le reg, à un kilomètre environ, une forme que nous ne reconnûmes pas. Puis deux hommes apparurent, qui tirèrent trois coups de feu. Nous comprimes que c’était l’avion du général Laperrine qui, ayant capoté, avait pris cette apparence bizarre [1]. »

Au-devant des méharis qui galopent, Vaslin, rassemblant ses forces, s’est précipité. Il s’effondre devant un de ses sauveurs qui déjà lui tend une gamelle d’eau. Le lieutenant Pruvost arrive, accompagné du maréchal des logis Moncassin et du brigadier Delplanque. On dresse une tente ; on prodigue des soins aux deux survivants. Puis, les sauveteurs miraculeux se tournent vers un petit tertre. Le 8, au soleil couchant, Bernard et Vaslin, de leurs mains crispées, avaient creusé un sillon tracé par une roue de l’avion au moment de l’atterrissage, creusé lentement, amoureusement, douloureusement ; ils avaient déposé dans ce trou, achevé au bout d’une heure, le chef aimé, puis, pour que la tempête de sable ne pût jamais recouvrir la dépouille sacrée, ils avaient déposé sur la tombe une roue de rechange au centre de laquelle ils avaient fixé le képi du général. Le lieutenant Pruvost, la main au képi, salue, le cœur serré ; on rend les honneurs.

Quand Bernard et Vaslin, gorgés de thé bien sucré et réconfortés par deux grands plats de potage, ont repris quelque goût à la vie, ils racontent l’agonie de leur général ; ils restent sobres de paroles sur leurs affreuses souffrances. Et pourtant ! Ils ont mangé de la pâte dentifrice, mangé du jubol, bu de la glycérine, de l’alcool à brûler, de la teinture d’iode additionnée d’eau, de l’eau de Cologne ! Ils ont bu le liquide des boussoles ! Ils ont essayé de boire leur urine ! Et ils ont désespéré ! Avec un rasoir, ils ont tenté de s’ouvrir les veines ! Le 15, on les eût trouvés morts ! Mais le 14, Bernard avait dit : J’ai encore de l’espoir. » Ils vivent. « Le manque de renseignements, le 24 février, coûta peut-être la vie au général Laperrine ; l’absence de renseignements, le 6 mars, sauva vraisemblablement ses deux compagnons d’infortune. Ainsi vont les choses au Sahara. » (Rapport du Capitaine Depommier.) Le capitaine ajoute : « Les blessures du

  1. Rapport du lieutenant Pruvost.