Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 9.djvu/139

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
135
EINSTEIN EXPOSE ET DISCUTE SA THÉORIE.

sément des altérations de l’uniformité du mouvement) on ne peut par aucun procédé connu constater la réalité et la grandeur du mouvement. Quand deux trains se croisent (abstraction faite de ces altérations), les passagers ne peuvent savoir lequel est en mouvement, ou du moins chacun croit que c’est l’autre train qui marche. Toute la mécanique classique, toute la science traditionnelle est fondée sur ce principe si simple. Il a été vérifié pendant des siècles. Non seulement il résulte des faits, mais il a en lui je ne sais quelle évidence satisfaisante pour la démarche de notre raison. Celle-ci répugne en effet à admettre que dans la nature, parmi tous les mouvements uniformes, c’est-à-dire parmi les mouvements semblables, il puisse y en avoir qui soient des mouvements réels à l’exclusion des autres.

Le bon sens intuitif et les faits se sont donc accordés pour cimenter sur des bases solides le principe de relativité classique, s’agissant des mouvements uniformes. Mais voici que depuis le XIXe siècle un autre édifice s’est élevé dans la science, et qui concerne non plus les déplacements de corps matériels mais les mouvements subtils de la lumière et de l’électricité. À côté de la mécanique s’est dressé l’électromagnétisme, qui non seulement amalgame, dans une synthèse théorique superbe, l’optique et l’électricité, mais a conduit à de magnifiques prophéties expérimentalement vérifiées, et, parmi les plus belles, à la découverte de la télégraphie sans fil et à la constatation que les ondes hertziennes ont la vitesse de la lumière.

L’électromagnétisme repose à la base sur ce principe que la vitesse de la lumière est constante dans tous les sens.

Mais voici que certains faits récents, certaines expériences se sont montrés incompatibles, soit avec la mécanique classique, soit avec l’électromagnétisme, ou pour mieux dire avec les deux principes qui servent de base respectivement à ces deux disciplines et qui sont le principe de relativité et le principe de la constance de la vitesse de la lumière. L’expérience de Michelson entre autres semblait conduire à la nécessité de renoncer soit à l’un, soit à l’autre de ces deux principes. C’est alors qu’Einstein, par une profonde analyse des notions servant de base à la mécanique classique, a montré que celle-ci ne se déduit rigoureusement du principe de relativité que si on admet ces entités hypothétiques qu’on appelle l’espace absolu et le temps absolu.