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Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 9.djvu/152

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REVUE DES DEUX MONDES.

Non, encore un coup, ce qui choque M. Painlevé dans ces conséquences, c’est autre chose, c’est quelque chose qui, au premier abord, lui semble heurter la logique, c’est ceci : quand dans la théorie de Relativité restreinte on considère deux observateurs en mouvement l’un par rapport à l’autre, toujours on prend soin de préciser que les apparences observées par chacun chez l’autre sont réciproques. Si par exemple l’observateur A voit les mètres et l’horloge que porte l’observateur B, respectivement raccourcis et ralentis par sa vitesse, de même l’observateur B verra les mètres et horloges portés par A raccourcis et ralenties dans les mêmes proportions. Cela résulte de ce que les vitesses de A par rapport à B et de B par rapport à A sont nécessairement identiques, et cette réciprocité est conforme au principe classique de Relativité.

N’y a-t-il donc pas, demande M. Painlevé, une contradiction essentielle avec tout cela dans le fait que, dans l’exemple choisi, le chef de gare voit que l’horloge du rapide a retardé sur la sienne, tandis que le chef de train voit, d’accord avec le chef de gare, que l’horloge de la gare a avancé sur la sienne ? La réciprocité qu’implique le principe de relativité ne devrait-elle pas exiger au contraire que le chef de train voie l’horloge de la gare en retard sur la sienne ? D’ailleurs, si tel était le cas, on se trouverait en présence d’une absurdité, d’une impossibilité, car il est contraire au bon sens que si deux hommes voient au même instant et au même lieu où ils se trouvent deux horloges H₁, et H₂, l’un puisse voir H₁, en avance sur H₂ et l’autre H₂ en avance sur H₁.

Comment sortir de tout cela, comment échapper à ces difficultés, à ces contradictions que certains seraient tentés de considérer comme rédhibitoires ?

La réponse d’Einstein a complètement dissipé le malentendu — car il ne s’agit, comme on va voir, que d’un malentendu, — et a, suivant sa propre expression, « mis en évidence le paradoxe. » Voici, ramenées à ses éléments primordiaux et débarrassées de leur terminologie technique, comment se peuvent résumer les explications du grand physicien, dont l’évidence démonstrative était, — encore qu’un peu cachée, — implicitement contenue dans la théorie de Relativité :

La théorie de Relativité restreinte concerne exclusivement, — mes lecteurs ne l’ont pas oublié, — les systèmes en mouve-