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Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 9.djvu/234

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guerre et en révisant les traités. C’est toute l’histoire, jusqu’à ce jour, de la Conférence de Gênes. Les précautions sagement prises, grâce à M. Poincaré, n’ont pu l’empêcher de déborder de son cadre. Elle est arrivée à un point critique où il ne reste que deux issues : ou que chacun reprenne sa liberté, en constatant l’impuissance de la Conférence et le désaccord fondamental des Puissances européennes, et cherche à reconstruire sur d’autres bases un équilibre politique et économique, ou que, se faisant plus modeste et reprenant conscience de son rôle, elle s’applique patiemment, laborieusement, à l’étude et à la mise en pratique d’un programme économique et financier qui, s’il se réalisait, suffirait à sa gloire. Voyons la suite des faits.

La prise de contact, dans les journées du 10, du 11, se passe sans incidents graves ; il y a, dans presque toutes les délégations, une bonne volonté de travailler, d’aboutir. Mais, dès l’abord, les premiers entretiens, les discours inauguraux manifestent le malentendu profond, voulu par les Allemands et les Russes, qui pèsera sur toute la vie de la Conférence. Sous couleur de restaurer l’Europe, ce sont des fins politiques qu’ils poursuivent ; il s’agit d’isoler la France, qu’ils regardent comme le seul obstacle à la révision des traités et à l’abolition des dettes, de jeter entre elle et l’Angleterre la question du désarmement afin de briser la solidarité, affirmée à Cannes, précisée à Boulogne, confirmée dans le wagon-salon qui emportait M, Lloyd George vers Gênes. La conjonction, qui sera révélée quelques jours plus tard, est déjà évidente ; l’écueil, pour la Conférence, est là M. Lloyd George en paraît persuadé ; il veut qu’on ne doute ni de sa solidarité avec la France et les autres Puissances « invitantes, » ni de sa volonté de pacification universelle et d’entente avec les Allemands et les Bolchévistes ; son sens d’homme d’État l’avertit qu’il ne mènera la Conférence à d’utiles résultats que par une étroite collaboration avec la France, mais son intérêt de politicien l’engage à ménager les délégués du Reich et ceux des Soviets pour satisfaire la presse libérale et travailliste. L’Italie, Puissance « invitante » et, à Gênes, Puissance hôtesse, réserve ses sourires pour les grandes vedettes du jour, ceux que les reporters et les photographes assiègent, les Allemands et les Russes. La Petite Entente et la Pologne ont, dès le premier jour, sujet de se plaindre ; sous prétexte qu’elles ne sont pas Puissances invitantes, on ne les convie pas, malgré l’insistance de M. Barthou, à certaines délibérations préliminaires. Pour la France, l’atmosphère est franchement défavorable ; une grande partie de la presse, dans toute l’Europe, représente M. Barthou, porte-parole de M. Poincaré,