pièce une œuvre infiniment moins importante que ladite Crise et qui ne rachète pas d’ailleurs ce défaut d’importance par de très grandes qualités dramatiques... » Octave se range à cet avis, et écrit Péril en la demeure. Le Village est reçu au Théâtre-Français, mais Houssaye préfère attendre cette pièce à quoi travaille l’auteur de la Crise.
Au mois d’août, à l’occasion de la fête de l’Empereur, la décoration attendue et préparée ne manque pas d’être accordée. C’est encore Eugène qui l’annonce par un télégramme à Saint-Lô : « Reçois ma fraternelle accolade, chevalier de mon cœur. Tu sais tout le plaisir que cela m’a fait ; tu ne saurais l’exagérer dans ton imagination. » Et il découpe, pour l’envoyer à son frère, un article d’Edmond Texier dans le Siècle, qui le met à part des autres légionnaires : « Toute la littérature applaudira avec nous à la distinction accordée à M. Octave Feuillet qui, bien jeune encore, a su mériter les suffrages des hommes de goût pour le charme et l’originalité de ses compositions. » Octave a juste trente-trois ans.
Michel Lévy, son éditeur, flaire sa gloire à venir. Il entreprend avec Eugène le voyage de Saint-Lô pour mieux s’entendre avec son auteur. Et c’est encore Eugène qui le ramène à Paris à la fin de septembre : « Nous sommes arrivés à Caen, écrit Eugène au retour, en même temps que le jour, c’est-à-dire à cinq heures. Ne sachant comment tuer le temps jusqu’à notre départ fixé à sept heures, nous sommes allés, malgré le froid, faire un tour sur le cours, où Michel, pour me distraire, m’a récité des vers que je n’ai guère écoutés. Il en sait long, et parait porter dans sa tête sa boutique tout entière. » Mais il n’aime pas assez la nature, au gré de son compagnon de route : « La belle nature peut, je crois, se présenter à lui sans crainte : il n’en abusera pas, quelque peu voilés que soient ses charmes. »
Au mois de novembre suivant, Michel Lévy perd son père, le chef de la maison, emporté par un retour offensif du choléra. Naturellement, c’est Eugène qui va aux obsèques : « Je l’ai accompagné jusqu’au bout, comme le Rabbin dont, par parenthèse, j’ai admiré la manière de faire en pareille circonstance : il a prononcé là un petit discours qui a fait pleurer tout le monde. J’ai été étonné de ne voir personne de ceux qu’édite Lévy, si ce n’est Augier, qui a paru un instant, et Victor Séjour, qui a soutenu Michel tout le temps. » Sur quoi il raconte la première