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a une maladie, qu’il est fort égoïste, et qu’il ne voudrait pas jouer deux fois dans la même soirée (or il a un rôle dans la pièce de Laya), qu’enfin il ne faut pas s’exposera ne pas jouer la pièce parce que M. Provost se serait mouché de travers, il faut trouver qui le double ou crée le rôle au besoin. Nous l’avons trouvé, c’est Mirecourt, le type de l’homme qui a été le beau Favières, et qui est encore très fort. Régnier est persuadé qu’avec un petit gazon blond et des favoris teints il sera fort plaisant et parfaitement ce que tu veux. Je le crois aussi, et je crois que ce sera le meilleur rôle que Mirecourt aura eu et doive avoir de sa vie… Quelle scie de t’écrire au bureau, mon cher ami ! Je ne passe pas dix minutes sans être dérangé deux fois ! Je ne sais jamais où j’en suis. »

Évidemment, les gens qui viennent au ministère des Finances et émettent la prétention de parler à un employé si occupé commettent la pire indélicatesse. Le lundi gras, lecture solennelle au comité. Il est rare, je le crois, que nous ayons eu, sur les réunions de ce comité secret, des renseignements aussi pittoresques. Les auteurs, habituellement, lisent leur pièce, ce qui les empêche d’observer les figures, et, s’ils ne la lisent pas, ils sont trop nerveux et trop préoccupés pour nous donner un jugement précis. Voici la lettre d’Eugène à son père annonçant la réception de Péril en la demeure :

« Donc hier matin, je reçois un billet par lequel Régnier me prévient qu’il lit la pièce d’Octave à deux heures. « Trouvez-vous à cette heure-là au théâtre, et amenez Michel Lévy, il est aux yeux de tous, comme éditeur, un bon représentant de votre frère. C’est l’ami qu’il nous faut. » Je me mets immédiatement en campagne, et cours chez Michel. Il est déjà sorti. Je sais où il déjeune, c’est au Café des Variétés, allons-y. Il n’y est pas encore venu. J’enfile la place de la Bourse et la rue Vivienne, et m’abats dans sa boutique où je trouve seulement Nathan. » Où est Michel, Nathan ? — Je n’en sais rien. — Est-ce qu’il ne déjeune plus au Café des Variétés ? — Non, il s’est brouillé hier avec le patron. Je crois qu’il déjeune maintenant au Café Mazarin, boulevard des Italiens. — Adieu. » J’y vais. J’ai la chance de rencontrer Michel devant le passage des Panoramas. Il va venir ! Je me sauve et ne puis encore arriver au Ministère qu’à onze heures et demie. Je fais le plus gros et le plus pressé de mon travail, et à une heure et demie, je descends, plus impatient qu’inquiet.