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Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 9.djvu/304

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Roseraie : Régnier, — Caroline, sa femme : Mlle Fix, — le comte de Favières, leur oncle (60 ans) : Provost. — Comme on le voit, Octave Feuillet est bien traité.

« Tous les acteurs sont ravis. Delaunay et Mlle Fix sont si contents que cela fait plaisir à voir. Provost garde bel et bien le rôle de Favières. Annette, c’est la petite Valérie, qui a une bonne petite binette tout à fait, et un bon petit nez retroussé tout à fait aussi. Je leur ai adressé quelques paroles bien senties. »

Mais Eugène sent bien que la partie qui va se jouer au Théâtre-Français est plus grave que les précédentes, et que la présence de son frère, cette fois, est indispensable, d’autant plus que celui-ci ne manque pas une si belle occasion de se tourmenter à distance. Des bruits flatteurs lui viennent de Paris, peut-être lancés par Eugène qui excelle à créer avant les premières une atmosphère de sympathie, et il en prend ombrage. « Ne crains pas, supplie l’ainé, tous les bruits élogieux qui se font autour de cette pièce. Ils te paraissent excessifs parce qu’ils t’arrivent tous ensemble, ou coup sur coup, mais ils diminuent beaucoup d’intensité à Paris où ils sont noyés dans beaucoup d’autres tapages. Nous mettrons une sourdine, s’il le faut. »

Les répétitions marchent un peu lentement. Régnier voudrait obtenir d’Octave quelques changements, et Octave s’y refuse. Eugène rencontre l’acteur, et pataugeant tous deux dans la neige, ils discutent l’affaire. Régnier veut partir pour Saint-Lô. « Il a eu un geste magnifique. — A quelle heure part-on pour Saint-Lô ? — A quatre heures et demie. — Il a regardé sa montre. Il était cinq heures, et, bien qu’il fût impossible qu’il partit comme cela au pied levé, il a eu l’air si déconcerté que l’heure du départ fût passée, qu’il m’en a fait peine. N’est-ce pas nature ? »

Cependant Octave ne se décide pas à venir, et la situation se gâte. La censure a pris la pièce à partie, — cette pièce que j’ai racontée et qui nous parait traiter un sujet de tout repos. Camille Doucet, d’accord avec le ministre, veut changer tel ou tel passage, et même le dénouement. Rien que ça ! Eugène écrit des lettres de douze pages serrées pour énumérer leurs méfaits. Il est furieux, et il défend pied à pied l’œuvre de son frère. Celui-ci ne peut quitter son père malade à Saint-Lô. Ses nerfs le déchirent. Il n’a pas encore pu trouver un titre, il en essaie plusieurs qui ne plaisent pas : Un homme supérieur, les Grandes