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Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 9.djvu/308

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Péril en la demeure. » Alors, le Caprice aurait donc rajeuni ?

Octave, plus calme cette fois, cherche à excuser Janin. Ce feuilleton à Paris n’est rien, lui réplique son frère, car le critique des Débats est universellement méprisé (sic), mais les amis de Saint-Lô vont se précipiter dessus. Évidemment. Les petites villes ne sacrent grand homme un compatriote que lorsqu’il est mort ou lorsqu’il est puissant. Qu’elles collectionnent dès lors, avec toute la volupté de l’envie déchaînée, les articles d’éreintement qui viennent de Paris, et négligent systématiquement les autres, faut-il s’étonner de ce banal spectacle ? Mais il y a des exceptions et j’en sais de charmantes.

Chose plus grave : « Octave a écrit à Delaunay avec cette suscription : pensionnaire de la Comédie-Française. Pensionnaire ! mais Delaunay est Sociétaire ! » Rien n’est plus facile à blesser que la vanité d’un artiste. Il faut sans retard le rétablir dans sa qualité. Et cette lettre plaisante (3 mai 1855) se termine par une vision de Napoléon III aperçu des fenêtres du ministère : « Voici l’Empereur qui passe en voiture découverte avec sa femme. Il salue et paraît plus gracieux que jamais. Comme il l’a échappé belle et nous aussi ! Dès le lendemain de l’attentat, je l’ai revu à cheval aux Champs-Élysées, au milieu d’une foule compacte de voitures et de gens. L’accueil qui lui était fait était aussi chaud que mérité. C’est un fameux gaillard ! » Et surtout, Eugène devine, pressent qu’Octave sera un jour le romancier et l’auteur dramatique favori de la Cour.


VII. — LE VILLAGE

L’année 1855 avait été l’année triomphante de l’Exposition, avec la venue de la reine Victoria, du roi Victor-Emmanuel et du prince Guillaume de Prusse. L’année 1856 allait être celle de la naissance et du baptême du Prince impérial : temps heureux qui masquent la catastrophe finale et qui sont l’occasion de fêtes, de spectacles, de réjouissances incomparables.

Cette année nouvelle avait commencé par une querelle entre Eugène et Octave Feuillet. Octave, qui depuis la publication de Bellah (1850) négligeait le roman, y revenait de la plus brillante manière avec la Petite Comtesse que la Revue donnait en un seul numéro pour étrennes à ses abonnés le 1er janvier 1856. Eugène, qui s’est précipité sur la Revue, écrit aussitôt à son frère :