Hamlet le doute dans sa certitude. C’est une création, et dont les Jésuites ont reconnu la vérité sous la plume d’un de leurs critiques les plus éminents, le Père Brou. Un jeune homme de cette nature et dans cette situation, a-t-il écrit, « doit voir ainsi les choses, interpréter ainsi les méthodes d’enseignement, le choix des lectures, les conseils donnés, les précautions minutieuses pour préserver la foi, les mœurs, la piété. » A ce point de vue, oui, l’Empreinte est un document, et j’en recommande la lecture aux Jésuites. Ils s’y instruiront et verront combien sage est la règle qu’ils ont lue vingt fois dans leurs Constitutions : « Si le candidat affirme n’avoir été poussé par personne de la Compagnie à y rentrer, on pourra passer plus outre. Mais s’il dit avoir été sollicité, il sera pour lui d’une grande utilité spirituelle qu’on lui laisse le temps de réfléchir. Si, après ces réflexions, il sent et juge qu’il lui convient d’entrer dans la Compagnie, alors... eh bien ! on pourra continuer à l’examiner. » Après cela, que la règle ait été violée, hélas ! il ne suffit pas qu’une règle existe pour qu’elle soit inviolable. » J’ai tenu à citer ce passage qui prouve, en même temps que la sincérité d’Estaunié, l’impersonnalité de son étude.
Son expérience intime ne lui fournit pas plus les événements que les personnages, mais seulement les idées et les problèmes. Je suis convaincu que l’idée de la Vie Secrète lui a été en grande partie inspirée par la double vie qu’il a menée si longtemps. Dès les premières pages du roman, il nous semble que l’auteur commette une étrange confusion. La vie secrète ne consiste pas à dissimuler un travail que nous publierons un jour. Pourquoi M. Lethois se cache-t-il d’étudier les fourmis et l’abbé Taffin d’écrire l’histoire de sainte Letgarde ? Le mystère dont ils s’enveloppent serait facilement percé, s’ils avaient des voisins curieux ; et derrière leurs rideaux ou leurs verrous ils me paraissent aussi candides que des enfants. La vraie vie secrète n’a besoin ni de rideaux ni de verrous. C’est celle de nos désirs inavoués, de nos haines, de nos amours, de nos jalousies féroces et silencieuses, de nos vices, de nos dévouements qui n’en seraient plus, si nous leur permettions de se révéler. C’est tout l’inexprimé ou l’inexprimable qui rend deux êtres étrangers l’un à l’autre jusque dans leurs embrassements. C’est la pensée invisible au fond des yeux les plus limpides. C’est la mort de l’amour sous les gestes habituels de l’amour. Ce sont les illusions