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Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 9.djvu/371

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« Ceux-ci ne tardèrent pas à déclarer leurs desseins : ils voulaient qu’une entreprise allemande construisît le chemin de fer destiné à relier Bagdad à Constantinople. Le Sultan accorda une première concession, — Haïdar Pacha à Angora, — avec garantie kilométrique ; lorsqu’on lui en demanda une seconde, — Angora à Bourgoulou, — il répondit : « Je n’ai plus d’argent. Construisez 200 kilomètres ; quand ce tronçon sera achevé et exploité, les bénéfices réalisés vous permettront d’en construire 200 autres... ; » c’est ainsi qu’il les tenait ou croyait les tenir.

« Survint la révolution de 1908. Les Jeunes-Turcs semblaient pencher vers les idées libérales et, par conséquent, vers l’Occident. Très habilement, l’ambassadeur d’Allemagne, le baron de Marschall, se retourna de leur côté et, en modifiant, ou plutôt en camouflant sa politique, les gagna. La guerre balkanique ayant éclaté, l’Europe occidentale crut que l’occasion était bonne pour opposer au Drang nach Osten des Empires centraux une barrière efficace, que formeraient les Etats des Balkans, groupés et dressés contre la Turquie. C’était un mauvais calcul : il eût beaucoup mieux valu consolider l’Empire ottoman. La Bulgarie était déjà tout acquise à l’Allemagne. Quant à la Grèce, vous avez vous-mêmes éprouvé sa consistance et sa fidélité. Vous ne pouviez donc compter que sur la Serbie, et ce n’était pas assez. La politique anti-turque que vous avez faite durant cette période a eu pour principal résultat de fortifier la position prise par les Allemands dans notre pays.

« Puis vint la guerre de 1914. Le sultan Mehmed V entendait rester neutre dans le conflit. Mais il ne pouvait pas empêcher quelques-uns de ses sujets de se réunir secrètement à l’Ambassade d’Allemagne. Il ne put davantage empêcher ceux que gênait le ministère Kiamil de le faire tomber. Les Jeunes-Turcs revinrent au pouvoir ; avec Talaat, Enver et Djemal, les Allemands avaient partie gagnée Pour ces hommes-là il s’agissait bien des intérêts de l’Empire ! Ils ne considéraient que leurs théories, ou leurs ambitions.

« Je vous en donnerai un exemple. Quelques jours après que l’Allemagne vous eut déclaré la guerre, le Parlement ottoman fut envoyé en vacances, et le Sultan offrit, dans Yildiz-Kiosk, un garden-party en l’honneur des membres des deux Chambres. En sortant du palais, l’auto de Djemal dépassa les chevaux d’un général qui, depuis, a joué un rôle importante