Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 9.djvu/380

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

britannique et le point de vue français dans la question d’Orient. Il était parfaitement indifférent à nos alliés que la lutte se prolongeât en Anatolie, où ils n’ont pas d’intérêts ; pour nous, au contraire, chaque journée de guerre entre Hellènes et Turcs se chiffrait par quelque nouveau dommage : ces voies ferrées que détruisaient tour à tour les belligérants, ces ponts et ces ouvrages d’art qu’ils faisaient sauter, c’était, pour une grande part, la propriété de la France, et, pour le reste, le gage de la dette que les Allemands ont contractée envers elle. Ces grands domaines agricoles, dont la guerre ne pouvait manquer d’anéantir la production pour de longues années, représentaient la garantie d’emprunts auxquels nos nationaux avaient largement souscrit. En un mot, l’Angleterre faisait en Turquie la politique d’une Puissance qui n’a rien à perdre ; bien plus, elle nous entrainait à la faire avec elle, sans vouloir reconnaître que notre situation et nos intérêts les plus élémentaires, les plus légitimes, nous en imposaient une autre.

Il en allait de même dans l’ordre financier. Quel inconvénient les Anglais auraient-ils pu trouver à la faillite de l’Etat ottoman ? La part de l’Angleterre dans la Dette publique, inclus les intérêts belges et hollandais que le délégué britannique a charge de représenter, n’atteint pas tout à fait 15 p. 100 ; celle de la France dépasse 60 p. 100 : soit un capital de deux milliards et demi. En 1919, lorsque les techniciens anglais et français se rencontrèrent à Londres pour élaborer les clauses financières du traité de paix avec la Turquie, deux thèses se trouvèrent en présence ; la formule française était : extension des pouvoirs et des attributions de la Dette publique ; la formule anglaise se résumait dans l’institution d’une commission financière interalliée, évidemment destinée à remplacer l’ancienne administration de la Dette. Dans la première hypothèse, la France conservait la prépondérance due à la notable supériorité de sa créance (60,31 pour 100 contre 14,19 p. 100 à l’Angleterre, 21,31 p. 100 à l’Allemagne, 3 p. 100 à l’Italie) ; dans la seconde, les trois Puissances alliées se trouvaient sur le pied d’une parfaite égalité. Lorsque nos délégués financiers arrivèrent à Londres, ils constatèrent avec stupeur que la thèse qu’ils venaient défendre avait été d’ores et déjà abandonnée par nos représentants politiques : le principe de la Commission financière interalliée était admis. Tout ce qui restait à faire, c’était