Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 9.djvu/385

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

des Turcs, divisions multiples et profondes des Arabes entre eux. Les plus chauds partisans de ce projet ne tardèrent pas eux-mêmes à y renoncer : on les vit se rapprocher des Turcs, adopter Kiamil Pacha et solliciter du roi Edouard VII l’envoi d’un télégramme de félicitations à ce grand-vizir. Ce qui n’empêcha point les Jeunes-Turcs de fomenter des agitations nationalistes en Egypte et de susciter, parmi les Arabes de l’Yémen, des révoltes qui s’étendirent bientôt à Bassorah, à Bagdad et à la Syrie.

Dix ans plus tard, la même idée réapparaît, presque sous la même forme. Les hommes qui inspirent et dirigent en Angleterre la politique orientale entreprennent d’opposer aux Turcs les Arabes et les Kurdes. Entre les montagnes de Perse et le cours supérieur du Tigre, on constituera un Kurdistan indépendant ; l’Arabie et la Mésopotamie deviendront des royaumes arabes autonomes, sous la protection de l’Angleterre ; d’autres petits Etats arabes pourront être créés en bordure de la Syrie ; un lien fédératif les unira aux Etats principaux : ainsi succédera à l’Empire des Turcs un nouvel Empire musulman, conçu selon la formule anglaise, propre à servir de trait d’union entre l’Egypte et les Indes et à garantir contre toute atteinte l’hégémonie britannique sur l’Orient tout entier. Enfin le calife turc de Constantinople sera remplacé par le calife arabe de la Mecque. Ainsi la perte simultanée de leur puissance militaire, de leur domaine territorial et de leur autorité religieuse consommera la ruine des Osmanlis.

L’armistice n’était pas encore signé, qu’avait déjà commencé la mise en œuvre de ce grand dessein : les Anglais concluaient une alliance avec le chérif de la Mecque, Hussein, et avec ses fils, les émirs Faïçal et Abdullah. Hussein prit le titre de roi du Hedjaz. Quelque temps après, on constituait pour Faïçal le royaume arabe de Mésopotamie et pour son frère Abdullah une principauté en Transjordanie. La politique anglaise gênait autant qu’elle pouvait notre établissement dans les régions syriennes de l’Est ; en revanche, elle nous laissait le soin de contenir au Nord la poussée des Turcs d’Anatolie. La France consacrait elle-même ce démembrement, si contraire à ses traditions et à ses intérêts, en signant le Traité de Sèvres ; elle recevait le mandat pour la Syrie, l’Angleterre, ceux pour la Mésopotamie et la Palestine ; le Kurdistan était déclaré,