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Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 9.djvu/394

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à l’époque du Traité de Sèvres contre le maintien des Turcs en Europe ; à Constantinople, les agents anglais, politiques, militaires et financiers, unissaient leurs efforts pour démontrer à leurs collègues italiens et français que la position n’était plus tenable : l’un dénonçait la faillite inévitable, l’autre l’ordre public menacé et la sécurité des Alliés compromise ; un troisième, sur la foi d’obscures dénonciations, révélait à grand fracas le complot formé par les Bolchévistes et secrètement favorisé par les Turcs, en vue d’assassiner les hauts-commissaires et les généraux qui représentaient à Constantinople l’autorité interalliée. « Qui veut noyer son chien... » La chose semblait claire : on s’apprêtait à transformer l’occupation provisoire de la capitale ottomane en possession définitive ; mais au profit de qui ?

Les uns annonçaient une mainmise pure et simple de l’Angleterre ; d’autres une entreprise des Hellènes qui, une fois rentrés dans la ville, y resteraient ; d’autres enfin croyaient savoir qu’on allait déclarer Constantinople « ville internationale. » Au jugement des Français, comme à celui des Italiens, ces trois solutions étaient parfaitement équivalentes ; que l’Angleterre s’installât à Constantinople pour son compte, ou qu’elle y imposât l’installation de la Grèce, c’était tout un : car la Grèce, sans flotte et sans argent, ne pouvait jouer d’autre rôle que celui de lieutenant de l’Angleterre. Si enfin on internationalisait Constantinople, c’est encore l’Angleterre qui en devenait maîtresse, puisqu’elle disposait de la marine la plus puissante et était en mesure d’exercer à son profit le contrôle des Détroits.

En réalité, il n’y avait qu’une solution raisonnable à la question de Constantinople : elle consistait à ne point la soulever, à laisser aux Turcs leur capitale et au Sultan Calife sa résidence traditionnelle, tout en assurant, par un contrôle international promptement organisé, la sécurité des Détroits dont les Turcs avaient en 1914 été si mauvais gardiens. Mais voici qu’on parlait presque ouvertement d’une « solution brusquée. » Les Puissances allaient-elles se trouver, un beau matin, en face du fait accompli ? Le coup de force du 16 mars 1920 allait-il être renouvelé en 1921, par les mêmes acteurs, et dans les mêmes conditions d’impossible résistance ? Cette menace, qui préoccupait les Français, ne pouvait laisser les Italiens impassibles :