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Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 9.djvu/396

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d’abord leur action au Nord de la Mésopotamie et à une étroite région du plateau arménien ; les massacres de 1895-96 leur donnèrent l’occasion de l’étendre à la plus grande partie des vilayets orientaux. En 1912, j’ai trouvé les Américains installés à Van et à Bitlis, à Orfa et à Aïntab, à Mardin et à Karpout. Ils possèdent aussi dans les autres régions de l’Asie turque de nombreux établissements d’instruction et d’assistance, dont le plus important est le Syrian Protestant College de Beyrouth. Enfin, la plus grande, la plus luxueuse maison d’éducation que des étrangers aient jamais fondée à Constantinople est une maison américaine : le Robert College, qui comprend, outre des écoles primaires supérieures et secondaires pour les deux sexes, une école professionnelle et un institut commercial.

En même temps qu’ils recueillaient les orphelins, soignaient les malades, ouvraient des ateliers de tapis et des écoles d’arts et métiers, les missionnaires américains menaient une active propagande religieuse, particulièrement dans les pays jacobites, où ils obtenaient des conversions nombreuses. À la veille de la guerre, les États-Unis possédaient en Turquie d’Asie trois cents établissements prospères et richement dotés. Les seuls collèges de Karpout étaient pourvus d’un capital de 27 000 livres sterling. La Boarding Company, grande protectrice de ces œuvres lointaines, répartissait chaque année entre les missions de Turquie un revenu de plus d’un million de dollars. La concurrence américaine désespérait parfois nos missionnaires, qui ne pouvaient pas offrir à leurs auxiliaires indigènes le quart du traitement que donnaient aux leurs les protestants d’Amérique. Néanmoins, ils entretenaient les meilleurs rapports avec ces confrères mieux pourvus : séparés par la différence des religions, Français et Américains se retrouvaient unis sur le terrain de la charité.

Durant la guerre et surtout depuis l’armistice, la position prise par les États-Unis en Orient se modifia sensiblement. Certes, les missionnaires n’avaient jamais perdu de vue les intérêts économiques et même politiques de leur pays ; les marchandises américaines avaient pénétré après eux en Turquie ; leurs rapports fréquents et détaillés avaient fait connaître très exactement aux hommes d’État, comme aux hommes d’affaires, les conditions des peuples parmi lesquels ils exerçaient leur action bienfaisante et leur propagande religieuse. Néanmoins, cette