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Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 9.djvu/413

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des Récollets, abrite les pensionnaires et contient les salles de cours. La semaine de Pâques, l’élite de la société madrilène prend le chemin de la calle Marques de la Ensenada ; car la saison de conférences de l’Institut français est entrée dans ses usages. Et le conférencier qui prend la parole devant cet auditoire accueillant de lettrés, a le plaisir de se sentir suivi sans effort par un public auquel n’échappe aucune des nuances de notre langue.

Le goût pour les choses de France s’y exprime avec une cordialité dont il est bien impossible de n’être pas touché. Par un raffinement de politesse, c’est en français, dans le français le plus pur et le plus élégant, qu’à ma première conférence. Don Jacinto Ottavio Picon, le délicat romancier, bibliothécaire de l’Académie espagnole, prenait la parole. Celui-là est un grand ami de la France. Il y est venu aux heures tragiques. Il faisait partie de la mission qu’y a conduite pendant la guerre le duc d’Albe. Je n’avais oublié ni son fin visage, tout imprégné de vie intérieure, ni sa parole grave et prenante. Dans un toast qu’il avait prononcé en l’honneur de la femme française, alors que les femmes de chez nous faisaient preuve d’un si admirable dévouement, il avait su mettre toute la grâce, toute la courtoisie traditionnelle de l’Espagne. En français également, le comte de Romanonès, ancien président du Conseil, une des plus belles intelligences de l’Espagne politique, a présenté M. Joseph Barthélémy, qui, la même semaine, donnait, à l’Institut français, avec un éclatant succès, deux conférences sur notre Constitution. Je n’aurais jamais imaginé que l’enseignement du droit constitutionnel fût chose si attrayante. Mais ce professeur de droit à la Faculté de Paris, que les électeurs du Gers ont envoyé à la Chambre, ignore également la dissertation professorale et le jargon parlementaire. Ses leçons furent de libres causeries, vives, spirituelles, émaillées d’anecdotes et de mots. On écoutait, on riait, on applaudissait. Et on ne s’étonnait pas, mais on était ravi de sortir de là parfaitement instruit des rouages de notre machine politique.

Quand les conférences de cette semaine de Pâques n’auraient pas servi à autre chose, je pense qu’elles n’auraient pas été inutiles, puisqu’elles ont permis à l’un des principaux hommes d’Etat de l’Espagne, et, je crois, son plus grand orateur,