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L’histoire de ce personnage illustre est l’histoire même de l’Empire depuis la Révolution.

Né en 1838, il était Samurai du clan Choshu : sa carrière militaire s’est surtout confinée dans une participation active aux luttes intérieures qui ont fait le Japon moderne. Il fut ministre un grand nombre de fois et forma deux ministères ; en 1900 il se retira de l’action officielle et ouverte, mais son influence n’en devint que plus efficace : il était en effet président du Conseil privé depuis 1893 et le premier des Genro ; à ce titre, il dirigeait en réalité la politique de l’Empire ; il était effectivement l’homme le plus puissant du Japon après l’Empereur : un candidat à la présidence du Conseil non agréé par lui avait peu de chances de succès ; tout chef de mission revenant de l’étranger devait lui rendre compte ; M. Ilara lui-même qui avait remplacé le ministère « militaire » Teraushi ne faisait rien sans son avis. En outre, le clan Choshu dont il faisait partie était devenu grâce à lui l’un des deux grands groupes féodaux de l’Empire et ses membres, qui lui étaient tout dévoués, étaient répandus dans toute l’armée et à tous les degrés de l’administration. Son esprit de discipline en avait fait le leader des conservateurs, et il fut le serviteur toujours désintéressé et consciencieux de l’Empereur et de la Nation.

Il était poète ; on raconte qu’en 1912, lorsque le Cabinet Katsura, soutenu par lui, tomba, l’opinion populaire se retourna contre le prince : les attaques furent si violentes qu’on craignit pour sa vie. Alors un journal, le « Kokumin, » publia chaque jour un poème du vieux genro : on prétend que cette publication, révélatrice d’un talent inconnu, contribua beaucoup à calmer les passions. Heureux pays !

Dans la nuit du 1er au 2 février, on a transporté le corps du prince de la villa où il est mort à son domicile de Tokyo. Le Maréchal est allé le saluer.

C’est une maison européenne assez simple. Le Maréchal est reçu par le fils adoptif de Yamagata. Au sommet de l’escalier, brusquement, la chambre mortuaire : elle est toute claire et le soleil y entre largement.

Le lit est au milieu de la pièce, bas, avec des draps de soie blanche enveloppant le corps maigre : le visage est recouvert