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Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 9.djvu/434

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UNE RÉCEPTION CHEZ UN DAÏMIO
4 février.

L’art de recevoir est une des traditions les plus chères aux Japonais qui savent y déployer une ingéniosité et un tact incomparables. Le Maréchal en a eu aujourd’hui une preuve nouvelle chez le comte Hisamatsu, chef d’une illustre famille de daïmios, qui l’avait invité à venir prendre le thé chez lui. Le comte est un ancien attaché militaire en France et nous l’avions rencontré plusieurs fois en uniforme ces jours derniers. Mais aujourd’hui il reçoit en kimono, ainsi que toute sa famille et ses conseillers groupés autour de lui. Ceux-ci sont des membres de son clan ; et quelques-uns, le général Akayama, par exemple, ses supérieurs dans la vie publique ; mais, ici, chez lui, il les tutoie selon l’antique usage alors qu’ils lui parlent avec respect.

Le rez-de-chaussée de la maison est européen ; le premier étage japonais : par les fenêtres on aperçoit un exquis jardin, formant le premier plan d’un large horizon prolongé jusqu’à la mer.

Et voici les invités dans une pièce japonaise : à leurs yeux européens, elle paraît basse, nue et démeublée ; des murs de papier, de grands panneaux à glissière servant de portes, un demi-jour seulement. Aucun luxe extérieur, mais un raffinement extrême dans toutes choses, dans la soie des coussins, dans la finesse des nattes, dans la perfection des boiseries sans moulures, une impression de fini et de netteté dans un cadre très simple.

Tout le monde s’est agenouillé autour des braseros : une belle fille, vêtue d’une robe à grands ramages bleus et rouges, entre lentement pour venir s’accroupir devant une grosse bouillotte où chante l’eau du thé.

On s’est tu. Alors, avec des gestes de prêtre à l’autel, elle prend d’abord la longue cuiller d’ivoire, ébouillante un bol de grès, y verse un peu d’eau chaude, un peu de poudre de thé vert et bat vivement le mélange. Et quand cette aimable cuisine est faite, une femme auprès d’elle prend le bol et le porte comme une offrande au plus illustre des hôtes ; elle s’agenouille et s’incline, le front jusqu’à terre.

Ainsi huit fois, elles recommencent les mêmes gestes à