Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 9.djvu/461

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’action, son énergie potentielle. Qu’il y ait là dans le fond, quelque chose d’exact, c’est incontestable, et s’il n’avait pas fallu à Mme de Sévigné tant de journées de diligence pour aller voir sa fille, elle eût certes pu, dans sa vie, passer bien plus de temps auprès d’elle. Quand un commerçant, pour aller vendre sa marchandise outre-mer, franchit en une semaine la distance qu’il fallait autrefois deux mois pour parcourir, on ne peut contester que cette semaine ne vaille en quelque manière deux mois de nos ancêtres. Il y a donc assurément à certains égards autre chose qu’une décevante illusion dans la folie ambulatoire, dans la démence cinématique qui est une des caractéristiques de notre temps. Le bonheur des hommes en est-il accru ? Ceci est une autre question qui ne regarde pas les physiciens... et ils ne s’en plaignent point.

Il semble que la vitesse maxima que l’homme â réussi à réaliser par ses propres organes ne diffère guère aujourd’hui de la valeur qu’elle atteignait dans des temps plus anciens. Sur la distance de 100 mètres qui est la distance type pour les courses de vitesse et sur la distance plus longue d’un kilomètre, les records établis par les athlètes ces dernières années diffèrent très peu de ceux du siècle dernier, en dépit des méthodes nouvelles d’entraînement qu’ils emploient.

La plus grande vitesse franchie en une heure par les coureurs à pied est depuis très longtemps voisine de 23 kilomètres à l’heure. Nous ne savons pas exactement quelle était la vitesse des coureurs hellènes dans la fameuse course antique de Marathon à Athènes, mais nous savons que Dorando, qui a gagné la course près de Londres, sur la même distance, a parcouru un peu plus de 42 kilomètres en 2 h.55 minutes et quelques secondes, ce qui correspond à une vitesse de 14 kilomètres et demi environ à l’heure. On voit tout de suite par ces exemples que la vitesse moyenne que l’homme peut atteindre diminue dès que la distance à franchir augmente. Il y a là une règle générale ; il semble qu’il y ait une sorte de réciprocité entre la durée de l’effort maximum que l’homme peut donner et l’intensité de cet effort, et que l’un soit, à un facteur près, en raison inverse de l’autre.

Chose étrange, les courbes qu’on peut tracer et où la vitesse de l’homme ou des animaux est représentée en fonction des durées de leur effort sont tout à fait analogues à la courbe qui représente le phénomène bien connu des métallographes et qu’on appelle la « fatigue des métaux. »

Si nous considérons la plus grande vitesse réalisée sur la faible