de grande lutte contre l’ennemi extérieur, etc.. Mais quelle n’est pas notre stupeur à tous les trois, quand nous voyons que le nom du césaréwitch Alexis est remplacé par celui du grand-duc Michel ! Nous nous regardons avec consternation, car nous avons la même idée. L’avènement immédiat du césaréwitch était le seul moyen d’arrêter le cours de la révolution, de la contenir du moins dans les limites d’une grande réforme constitutionnelle. D’abord, le jeune Alexis Nicolaïéwitch aurait eu le droit pour lui. De plus, il aurait bénéficié des sympathies dont il jouit dans le peuple et dans l’armée. Enfin, et c’était l’essentiel, le pouvoir impérial n’aurait pas été vacant une seule minute. Si le césaréwitch avait été proclamé, personne n’aurait eu qualité pour le faire abdiquer ensuite. Ce qui s’est passé avec le grand-duc Michel n’eût pas été possible avec cet enfant. Tout au plus aurait-on pu se chamailler pour l’attribution de la régence. Et la Russie aurait aujourd’hui un chef national... Tandis que maintenant, où allons-nous ?...
— Hélas ! je crains que les événements ne vous donnent raison d’ici-peu... En effaçant le nom de son fils sur le manifeste que vous lui aviez préparé, l’Empereur a lancé la Russie dans une terrible aventure.
Après avoir devisé quelque temps sur ce thème, je demande à Basily :
— Avez-vous revu l’Empereur depuis son abdication ?
— Oui... Le 16 mars, tandis que l’Empereur revenait de Pskow à Mohilew, le général Alexéïew m’envoya au-devant de lui pour le mettre au courant de la situation. Je rencontrai son train à Orcha et je montai dans son wagon. Il était parfaitement calme ; je fus pourtant peiné de voir comme il avait la mine terreuse et les yeux battus. Après lui avoir exposé les derniers événements de Pétrograd, je me permis de lui dire que nous étions désolés, à la Stavka, de ce qu’il n’eût pas transféré sa couronne au césaréwitch. Il me répondit simplement : « Je ne pouvais pas me séparer de mon fils. » J’appris ensuite, par l’entourage, que l’Empereur, avant de prendre sa décision, avait consulté son chirurgien, le professeur Féodorow : « Je vous ordonne, lui avait-il dit, de me répondre franchement. Admettez-vous qu’Alexis puisse guérir ? » — « Non, Majesté, son mal est incurable. » — « C’est ce que l’Impératrice pense depuis longtemps ; moi, je doutais encore... Puisque Dieu en