de son deuil ; à élaborer aussitôt le plan d’un monument de marbre qui devait conserver, et qui conserve en effet, dans l’église Saint-Louis des Français, l’effigie de la défunte et celles de ses proches ; à admirer le faste de ce monument, et à gémir, presque, en même temps, de ce qu’il lui coûte « environ 9 000 francs ; » mais au reste à vendre « tout ce qu’il a pour en payer une partie... » Et homme aussi, à prendre la jaunisse, de chagrin, à vouloir planter là Rome, la diplomatie, la littérature, le présent et l’avenir, à se réfugier dans le passé en traçant les premières lignes des « Mémoires de sa vie, » puis, quelques jours plus tard, à intriguer un peu, sans en avoir l’air, pour obtenir une place plus fructueuse et plus considérée, à courir jusqu’à Naples pour secouer son deuil au soleil, et à écrire les pages superbes de la Lettre à Fontanes sur la Campagne romaine... Quel homme !
C’est en ces jours-là vers la mi-décembre, qu’il reçut à Rome la première lettre de M. Le Moine.. Le confident de Pauline de Beaumont ne détenait pas seulement le testament original de l’amie morte ; il gardait ses papiers intimes, et particulièrement les lettres de Chateaubriand, et celles de Lucile, malade déjà errante entre la Bretagne et Paris, « fleur flottant sur l’abîme [1] » qui, avant douze mois, l’allait engloutir à son tour : fragments de confession, pages d’ardeur et de songe, les suprêmes pudeurs, l’amour et l’amitié suprêmes de la disparue. Le détenteur de ce trésor demandait les instructions de celui que la mort en faisait le légitime possesseur. Chateaubriand lui répondit le 21 décembre, — 23 frimaire an XII, -- le même jour où il venait d’apprendre par Fontanes l’imminence de sa nomination comme « chargé d’affaires de la République française près la République du Valais. »
« Je suis très touché, monsieur, de la loyauté de votre procédé envers moi dans une circonstance si triste ; cela prouve combien la femme adorable que nous pleurons savait bien choisir ses amis. Je laisserai donc entre vos mains, monsieur, le dépôt qu’elle vous a confié, ou, si vous l’aimez mieux, vous pouvez le remettre à Mme Saint-Germain que je prends à mon service, et qui doit être maintenant à Paris.
« On dit que le gouvernement, pour me venger de tant de
- ↑ Mémoires d’Outre-Tombe, tome II, p. 337.