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la Conférence et probablement la directrice des travaux de celle-ci. Les dirigeants des États-Unis étaient-ils d’avance, mais en secret, acquis à l’exécution d’un plan que l’ambassadeur britannique, sir Auckland Geddes, avait pu leur communiquer ? C’est possible, encore que peu probable. Cependant, si, comme il se confirme en ce moment même [1], le Cabinet de Washington se proposait de donner un grand développement à la marine marchande, il était assez naturel qu’il inclinât, par là même, à quelque défaveur à l’égard des sous-marins ; et que les Anglais pouvaient fort légitimement se promettre de tirer parti de ce sentiment.

Il en serait de même de certain dédain que professaient les marins américains, — j’y reviendrai, — pour la marine de la France (qu’ils n’avaient d’ailleurs pas vue à l’œuvre dans la Méditerranée) et surtout pour ses ports et arsenaux. Cette opinion pouvait être utilisée, si le Gouvernement et le Parlement français ne se hâtaient pas, — et c’est ce qui arriva, — de manifester l’intérêt qu’ils devaient prendre à la constitution d’un organisme délabré par la mise à exécution d’un programme de constructions et par l’adoption de sérieuses mesures de réforme pour les arsenaux. Pourquoi ménager qui s’abandonne ?...

En tout cas, et ne fût-ce que pour nous expliquer l’explosion des reproches indignés auxquels ont donné lieu, là-bas, les imprudentes demandes de notre délégation, il est utile de rechercher quelle pouvait être, dans l’ensemble, l’opinion des peuples des Etats-Unis à notre endroit, au moment où se réunissait la conférence de Washington. Aussi bien pourrions-nous élargir le champ de nos investigations et nous demander comment il se fait que, dans l’opinion du monde, la considération que l’on a pour la France victorieuse de 1922 ne dépasse guère, aujourd’hui, celle que l’on avait pour la France de 1913, toujours sous le coup de la grande défaite de 1870.

Cette France de 1913, c’était, pour à peu près toutes les autres nations, le vieux peuple affaibli, — dégénéré, précisait-on, — en tout cas replié sur lui-même ; le peuple qui se tenait à l’écart de toutes les grandes combinaisons, de toutes les vastes

  1. On apprend, à la date du 28 février, que le président Harling se propose de consacrer 32 millions de dollars, — ce n’est, bien entendu, que l’amorce de crédits plus importants, — à des subventions à la marine marchande. Il faut noter, au surplus, que la flotte commerciale des Etats-Unis a déjà pris un essor considérable pendant la guerre et depuis l’armistice. Mais les Américains veulent, de ce côté-là aussi, se mettre sur le même rang que l’Angleterre.