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Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 9.djvu/691

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les carreaux comme écrasés sous leur piétinement ; dans les allées où, repus, ils s’étaient vautrés, la terre grasse gardait l’empreinte de leur poil rude… On m’a dit que les loups avaient reparu en Bigorre. Dans les ténèbres, l’hiver, quand les rafales de pluie cessaient, on les entendait flairer le seuil des portes. » Les mots ont une gravité de son, les phrases une lenteur d’allure, les images un caractère de farouche simplicité qui marquent la pensée de l’auteur et la rendent imposante.

Ainsi, l’ennemi est aux abords de la terre cultivée ; il la menace. Cet ennemi, c’est, à proprement parler, la nature et c’est la sauvagerie. Nature et sauvagerie vont ensemble, si l’homme n’intervient pas et n’inflige pas ses volontés à la nature. Il les lui a dès longtemps infligées ; mais elle garde ses spontanéités sauvages et il faut que l’énergie humaine soit sans relâche.

Cette vue a beaucoup de grandeur et de justesse. Et la remarque de M. de Pesquidoux se pourrait transposer du monde physique au monde moral. Comme il montre, autour des champs, la menace des bêtes, on aurait à montrer pareille menace autour de ce chef-d’œuvre imparfait, de ce chef-d’œuvre pourtant, paradoxal et précieux, la civilisation. Il est facile de la dénigrer, d’observer ses défauts : et l’on n’y manque pas. Il vaudrait mieux la préserver, en constatant qu’elle est fragile et menacée, en constatant que, si fragile et imparfaite, elle compose tout ce que nous avons qui nous sépare de l’abominable barbarie. À cause d’une présomptueuse et dangereuse philosophie du progrès, on imagine volontiers la barbarie comme un état de l’humanité ancienne, état périmé, qu’on relègue dans le passé désormais anodin. Or, la barbarie dure et doit être considérée, traitée aussi, comme un état permanent de l’humanité. Elle reparait aussitôt que se relâche la vigilance de la civilisation.

Le tableau de la terre abandonnée aux incursions de la nature est du lendemain de la guerre. Assurément, la guerre a dépeuplé la campagne. Les paysans ont, en effet, combattu en très grand nombre, et le chiffre de leurs morts est énorme. En outre, les survivants ne sont pas tous retournés à la terre. Pourquoi ? M. de Pesquidoux n’examine pas les causes diverses du phénomène qu’il déplore. Il en distingue une et tâche de réagir : on a de moins en moins l’amour de la terre ; il s’efforce de montrer qu’elle est digne d’amour, et il écrit ses Géorgiques.

Se figure-t-il que la littérature ait tant d’influence ? Eh ! bien, la littérature a nui : elle peut donc servir.

A-t-elle nui ? N’en doutez pas. M. de Pesquidoux a raison de protester