se désorganise ; et le travail, si bien réglé naguère, se détraque.
C’est une calamité. En présence des calamités, l’on ne doit pas s’abandonner au désespoir. Il ne servirait à rien de regretter la vie patriarcale : mieux vaut tâcher de la restaurer, dans la mesure où l’admettent les temps nouveaux, qui se croient plus nouveaux qu’ils ne le sont et qui surtout sont déraisonnables. En outre, il convient d’accueillir les faits et de s’en arranger : les faits sont plus forts que vous. C’est un fait, que le travail de la terre emploie aujourd’hui des machines et des produits, dont l’usage réclame une technique et une science nouvelles : créez des écoles ; ne laissez pas l’agriculture française livrée à la routine et incapable de lutter contre l’effort étranger. C’est un fait, que la famille rurale, devenue moins nombreuse, déliée par les zizanies, dégagée de la discipline ancienne qui la rendait un peu analogue à une belle ruche, ne suffit plus à cultiver un bien de quelque étendue. Bref, on recourt aux ouvriers agricoles. Ceux-ci, très demandés, sont rares. Payez-les sans parcimonie : vous ne les auriez plus. Même exactement payés, ces ouvriers ne remplaceront pas les membres de l’ancienne famille, si vous ne trouvez pas un moyen de les intéresser à l’œuvre commune : M. de Pesquidoux recommande une participation de tous aux bénéfices, participation qu’il s’agit d’établir sur des principes de justice, de prudence et de bonté.
M. de Pesquidoux, qui regrette la vie patriarcale des paysans, la bonne entente et le gentil accord des propriétaires et des métayers, les mœurs et les coutumes d’autrefois, profitables à tout le monde, n’est pas réactionnaire au sens fâcheux que donnent à ce mot les personnes de l’autre bord. Il a vu, à la campagne, plus de merveilles à conserver que d’innovations à tenter, sans doute. Mais il n’est pas l’ennemi des réformes utiles ou généreuses. L’un de ses chapitres le prouve : « J’ai vu, un de ces soirs, rentrer un vieux paysan de mes environs. Très grand et osseux, de poil blanc, fatigué par les ans et la tâche, et le poids de lourds outils de terrassiers croisés sur son épaule, il allait le long d’un champ hersé de la veille, se découpant sur le couchant embrasé encore, il allait à grandes enjambées un peu fléchies, qui lui donnaient un pas oblique. Il me salua de loin. Je lui criai bonsoir. Et, tandis qu’il gravissait le raidillon de sa maison, je songeais à la dure existence dont il n’est jamais sorti. Depuis plus d’un demi-siècle, il travaille enfant, jeune homme, homme fait, vieillard. S’il a toujours gagné son pain, il n’a jamais gagné rien de plus. Parfois l’avenir l’inquiète. Le dimanche surtout, le jour du repos, où il