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Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 9.djvu/717

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leur dire que cet été peut-être il aura à faire appel à leur vaillance. Déçus donc, mais aussi décevants : on avait cru, à Gênes, voir se dresser quelque puissant type d’agitateur révolutionnaire, et voilà qu’à l’usage on s’est trouvé en face de dictateurs loquaces, ergoteurs, chicaniers, qui traitent les grandes affaires comme on vend quelque friperie dans un bazar d’Orient. Déception aussi pour les Allemands, qui s’étaient flattés de diviser irrémédiablement le faisceau de leurs vainqueurs et qui, à plusieurs reprises, se félicitèrent d’y avoir réussi. M. Georg Bernhardt, dans la Gazette de Voss du 14, parlait encore de l’isolement de la France réalisé par M. Lloyd George. Mais voici que la Conférence s’achève et que la France apparaît moins que jamais isolée. La presse et l’opinion des États-Unis ont hautement approuvé sa politique de droiture et de prévoyance ; le temps est déjà loin où les calomnies d’un Wells et les manœuvres d’un lord Riddel réussissaient à Washington à éloigner, pour un temps, de la France certaines sympathies américaines. La politique japonaise s’est trouvée, à Gênes, en pleine harmonie avec la nôtre. L’alliance franco-belge a été resserrée ; renforcée aussi la Petite Entente, ses accords avec la Pologne, son intimité avec la France. L’Europe s’organise, par une naturelle réaction, en face du péril germano-bolchéviste proclamé à Rapallo.

Enfin un prochain avenir dira si nous sommes trop optimistes en espérant que Gênes sera l’origine d’une consolidation nouvelle de l’amitié et de l’entente franco-britanniques. Nous n’en voulons pour augure que les nobles paroles prononcées, sur les tombes des soldats britanniques morts en France pour leur pays, par le roi George V. Comment pourrions-nous mettre en balance de tels mots tombés de la bouche du souverain qui est la vivante personnification de la nation anglaise et de l’Empire britannique, avec les assertions hebdomadaires de M. Garvin qui déclarait, dans le dernier numéro de son Observer, que M. Poincaré est responsable de l’échec de la Conférence, que la France a tué l’Entente et qu’il faudra qu’elle « cesse d’imposer son veto à l’union des nations civilisées grâce à l’unique monopole d’un militarisme basé sur des contingents noirs... » Nous ne citerions même pas de telles insanités, si M. Garvin ne passait pour un ami personnel de M. Lloyd George. Celui-ci, depuis son retour en Angleterre, se pose en sauveur de la paix. C’est un rôle dans lequel la France le laissera bien volontiers se draper, pourvu qu’il cesse d’insinuer que c’est elle qui menace la paix. La Gazette de Cologne lui assénait récemment ce terrible éloge qu’il a toujours été opposé au Traité de Versailles. Le compliment