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Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 9.djvu/778

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qui verse au vainqueur de l’Isthme, de Némée, de Delphes et d’Olympie « la coupe parfum de des hymnes mélodieux, » l’Aurige apollinien qui « du haut du char triomphal, lance les flèches brûlantes des strophes... » Toutes ces gracieuses images ressuscitaient dans mon souvenir, tandis que je montais. C’est à travers la broderie éclatante et subtile des hymnes pindariques que je voyais Agrigente. Le grand Thébain l’a célébrée maintes fois, il lui a tressé quelques-unes de ses couronnes les plus fleuries. Il l’a visitée, habitée sans doute. Il a été l’hôte de ces fastueux éleveurs et propriétaires siciliens, les Théron, les Midas, les Xénocrate, tyrans ou fils de tyrans, tous riches et cruels, passionnés pour les chevaux, les chars, les banquets, les bouffons, les danses et les lyres.

Le début d’une Pythique est dédié à la « sainte Agrigente : » « Toi qui aimes l’abondance et la joie, qui règnes sur la plus belle cité des hommes, toi qui habiles sur une hauteur couronnée de somptueux palais, au bord de l’Acragas fécond en troupeaux, ô Reine, je te salue ! »

Telle elle apparaît encore aux yeux du voyageur. L’actuelle Girgenti n’aurait pas d’autre dot que ces vers de Pindare et sa farouche beauté de petite cité italienne plantée sur une roche abrupte, qu’elle mériterait encore un pieux pèlerinage. Du haut de ce piédestal, elle domine une vaste plaine en pente douce qui s’abaisse vers la mer libyque. J’ignore si ses palais sont « bien bâtis, » comme au temps du lyrique thébain. Mais, vue d’en bas, elle produit une impression extraordinaire avec son âpre profil, la couleur rousse de ses murailles, où éclatent, çà et là des blancheurs orientales, et la masse trapue et quadrangulaire de son « duomo, » — et l’épine rocheuse qui la continue, la « Rupe atenea, » où se dressait autrefois le temple de la dées.se athénienne.

C’était, nous dit-on, l’acropole de la cité antique. Celle-ci s’étendait, en contre-bas, dans la plaine mamelonnée et accidentée, entre ses deux fleuves, l’Hypsas et l’Acragas. Aujourd’hui, l’emplacement de la ville morte n’est plus qu’un grand verger, comme celui qui environne Sélinonte, un jardin plein de villas, de métairies, de nécropoles et de sanctuaires. Partout, des pins en parasol, des cyprès, des oliviers, des orangers, des amandiers. Les amandiers foisonnent. Au début du printemps, ces arbres en fleurs, sous leurs gazes roses, épandus