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Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 9.djvu/84

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Tous les membres de la famille impériale, y compris la reine douairière de Grèce, qui se sont réunis hier chez la grande-duchesse Marie-Pavlowna, ont adressé une lettre collective à l’Empereur.

Cette lettre, rédigée dans les termes les plus respectueux, signale au souverain le péril que sa politique intérieure fait courir à la Russie et à la dynastie : elle conclut en implorant la grâce du grand-duc Dimitry, afin que de grands malheurs soient évités.

Sazonow, à qui je fais visite dans la journée, me dit :

— La voie dans laquelle l’Empereur s’est engagé est sans issue. D’après nos précédents historiques, l’ère des attentats est ouverte. Au point de vue de la guerre, nous avons devant nous un mauvais fossé à franchir : la secousse sera rude : mais ensuite, tout ira bien... Je garde une foi inébranlable dans notre victoire finale.



Samedi, 13 janvier.

Sir George Buchanan a été reçu hier par l’Empereur.

Après lui avoir fait part des graves appréhensions que la situation intérieure de la Russie inspire au roi Georges et au Gouvernement britannique, il lui a demandé la permission de s’expliquer en toute franchise.

Ces premières phrases avaient été échangées debout. Sans faire asseoir Buchanan, l’Empereur lui a répondu sèchement :

— Je vous écoute.

Alors, d’un ton très ferme et très ému, Buchanan lui a représenté le préjudice énorme que causent à la Russie et, par suite, à ses alliés, le désordre et l’inquiétude qui se propagent dans toutes les classes de la société russe. Il n’a pas craint de dénoncer les intrigues que les agents allemands entretiennent autour de l’Impératrice et qui ont détourné d’elle l’affection de ses sujets : il a rappelé le rôle néfaste de Protopopow, etc. Enfin, après avoir protesté de son dévouement à la personne des souverains russes, il a conjuré l’Empereur de ne pas hésiter entre les deux voies qui s’ouvrent devant lui, dont l’une conduit à la victoire et l’autre à la plus sombre catastrophe.

L’Empereur, raide et froid, n’a rompu le silence que pour formuler deux objections. Voici la première : — « Vous me dites,