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Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 9.djvu/859

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Mais je crains que, une fois de plus, Milioukow ne soit dupe de son optimisme. L’arrivée de Lénine m’est en effet représentée comme la plus dangereuse épreuve que puisse avoir à subir la Révolution russe.



Jeudi, 19 avril.

Le général Broussilow vient d’adresser au prince Lvow ce curieux télégramme :

Les soldats, officiers généraux et fonctionnaires de l’armée du Sud-Ouest, réunis en assemblée, ont résolu de porter à la connaissance du Gouvernement provisoire leur conviction profonde que le lieu de réunion de l’Assemblée constituante doit être, en toute justice, la première capitale de la terre russe. Moscou est consacrée dans la conscience populaire par les actes les plus importants de notre histoire nationale ; Moscou est essentiellement russe et infiniment chère au cœur russe. Convoquer l’Assemblée constituante à Pétrograd, dans cette ville qui, par son caractère administratif et international, a toujours été séparée de la vie russe, ce serait un geste illogique et factice, contraire à toutes les aspirations du peuple russe. Je m’associe de tout cœur à cette motion et je déclare, en ma qualité de citoyen russe, que je considère comme terminée la période pétersbourgeoise de l’histoire russe.

BROUSSILOW.



Vendredi, 20 avril.

Les députés socialistes français commencent à déchanter de la Révolution russe, depuis qu’ils la voient de près. L’accueil dédaigneux qu’ils ont reçu du Soviet a quelque peu rafraîchi leur admiration. Ils gardent néanmoins une dose énorme d’illusions : ils croient encore à la possibilité de galvaniser le peuple russe par « une politique hardiment démocratique, orientée vers l’internationalisme. »

J’essaie de leur démontrer leur erreur :

— La Révolution russe est essentiellement anarchique et destructive. Livrée à elle-même, elle ne peut aboutir qu’à une effroyable démagogie de la plèbe et de la soldatesque, à la rupture de tous les liens nationaux, à un écroulement total de la Russie, Avec l’outrance propre au caractère russe, elle ira vite