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rendu compte qu’il ne restait plus à Tarapaca que 1 500 ou 2 000 fuyards démoralisés, et l’occasion était tentante d’achever la destruction de l’ennemi battu à Dolorès et de couper la route à la garnison d’Iquique.

Le chef chilien avait divisé ses forces en trois colonnes et voulait surprendre l’ennemi par une marche de nuit. Mais de telles opérations sont délicates et nécessitent de bons guides, une parfaite connaissance des lieux, et une excellente instruction de la troupe. La colonne de droite arriva la première, au lieu de se présenter en même temps que les deux autres ; au passage de la vallée, elle fut presque cernée et subit de grandes pertes avant l’arrivée des autres colonnes, qui rétablirent le combat. Vers 4 heures, deux détachements, qui avaient commencé leur retraite, rappelés par le général Buendia, donnèrent à l’action un nouvel élan, et assurèrent aux Péruviens une indiscutable victoire. Les Chiliens durent battre en retraite, perdant 750 hommes hors de combat et une cinquantaine de prisonniers, — plus du tiers de leur effectif, — huit canons et un drapeau.

Les Péruviens n’avaient perdu que 530 hommes, mais ils étaient hors d’état de poursuivre ; sans cavalerie, épuisés par les combats et les marches très pénibles depuis une dizaine de jours, ils devaient reprendre leur retraite immédiatement pour échapper aux forces qui allaient relever à bref délai la colonne Arteaga. Le général Buendia se remit donc en marche le soir même, par des sentiers de montagne, pour gagner la plaine et Arica. Le manque de vivres et d’équipages rendit la marche extrêmement pénible.

Arrivé à Arica, le général Buendia apprit que, par l’ordre du président Prado, il était destitué et traduit devant un conseil de guerre, ainsi que son chef d’état-major, le colonel Suarez, dont l’activité, l’énergie et l’esprit plein de ressources avaient sauvé l’armée après la défaite de Dolorès. Mais les événements se précipitaient et cette injuste disgrâce n’eut qu’un temps très court.

La perte de la province de Tarapaca provoqua une double révolution. Quittant Arica en laissant le commandement au contre-amiral Montero, le président Prado retourna à Lima, dont il partit presque aussitôt sous prétexte de demander à l’étranger les secours nécessaires à son pays : le grand prestige